jeudi 23 septembre 2010

DANZIG // Deth Red Sabaoth



L’image de Danzig a toujours été faussée. Les a priori… C’est devenu old school de creuser, d’aller chercher les éléments autour d’un simple disque, ce qui est évidemment le moyen de décoder le qui/quoi/comment qui est essentiel (hors artistes Fun Radio) autour des 8-12 morceaux toujours un peu opaques. La génération MP3 colle à la philosophie fonctionnelle de son support. Le culte du single, de l’unité plutôt que de l’ensemble. L’immédiateté aussi, moins de patience et un jugement qui peine à dépasser l’intro si elle n’est pas assez accrocheuse. La menace du support jetable car gratuit : l’épée de Damoclès 2.0 ! La baisse des attentes culturelles, c’est une menace autrement plus virulente que la supposée baisse des ventes. La voie royale pour les a priori, donc.
Parce que bon, d’où vient Glenn Danzig ? Du punk radical et minimaliste des Misfits. Le charme d’une bouillie nihiliste et misanthrope sur laquelle on colle une voix mélodique complètement hors de propos. Mais c’est sûr, les muscles désorientent l’œil et éloignent l’oreille. Henry Rollins et Glenn Danzig sont américains. Ils sont irréprochables niveau background mais on est loin des branches de noisetiers vernies au malt anglais qui ont établi le standard punk définitif. Plus proche de la contre-culture US, si on se donne la peine de passer la première impression. J’imagine que c’est le même sentiment quand un blanc d’ un mètre soixante se ramène sur un playground du Bronx.




C’est triste au fond, ce gars est vu comme un bas du front unidimensionnel, une persistance rétinienne des années heavy métal. Au fond, il reste un punk profondément nerd. Quand il a été question de lancer la version Hollywood des X-Men, Marvel a aussitôt fait appel à Glenn Danzig pour incarner Wolverine. Le candidat idéal et 3 heures de maquillage par jour en moins si on le compare à Hugh Jackman. Il refuse aussitôt. « Je suis un musicien et je n’ai pas besoin, comme les autres acteurs, de tourner n’importe quoi. Je ne veux pas que mes fans se déplacent dans un cinéma pour me voir dans un film de merde. »




Aussi indé qu’un amateur de B-movies et propriétaire d’une boîte d’éditions de horror-comics (Verotik) puisse l’être, quoi. Pas une once d’Ozzy Osbourne chez Glenn Danzig.
Je n’ai toujours pas parlé du disque. On écoute différemment un album selon les pompes qu’on enfile, j’imagine. C’était plus constructif de tout remettre à plat, et si j’étais passé dessus, je serais passé pour un redneck décérébré en pleine régression teenageophile à parler de cet album périmé avant de naître.
Quand tu écoutes une chiée de disques, ça devient rare de remettre un album dès qu’il est terminé, back to back. Une semaine, puis deux. Ca m’était arrivé avec Songs for the deaf de Queens of the Stone Age, par exemple, ou Nevermind en 1991. Live after Death, d’Iron Maiden aussi. Sûrement qu’il y a des facteurs récurrents dans tous ces trucs, mais Freud est mort. Tout ce qui est rare est notable, j’imagine. Ca valait bien cette chronique étirée.
L’album, donc. Les premières minutes d’écoute sont assez étranges. Il faut un temps d’adaptation, clairement. Il aurait été facile de faire une grosse production et de gonfler une voix au coffre vieillissant. Mais Danzig gère plus ou moins comme il le fait depuis les Misfits. Guitare, basse, batterie et une voix improbable mixée à contre-courant. Back to basics, pas de fioritures et les failles deviennent autant de monuments d’authenticité. Vu de loin, je pense que le but était de repartir sur les traces de ce qui avait fait le succès de Danzig et Danzig II, mais Glenn D est trop intelligent pour ne pas voir que le contexte n’est pas le même. Le métal tel qu’il existait à l’époque est mort et le disque a calqué sa courbe sur celle de son collègue. Au final, on retrouve un gars plus proche du Danzig sombre des Misfits que du prophète pour teenagers de ces deux albums là.




Deth Red Moon, the Revengeful ou Hammer of the Gods sont des classiques instantanés. Left Hand Rise Above est déchirant d’honnêteté. Je n’ai pas la moindre idée de quoi peut bien parler cette chanson, mais ce mec a dû se faire plaquer un bon paquet de fois. L’album dégage un sentiment très mélancolique, en lien direct des baffles aux tripes. Les chroniqueurs pressés résumeront ça par « épique » mais vu que le disque est coincé dans une cave, entre une bière tiède et l’anthologie comics de Green Lantern, ça ne me semble pas très approprié. Des killer songs, donc, qui portent l’album à des hauteurs dont on ne pensait pas Glennounet capable. En creux, c’est bon signe, puisque la plupart des critiques sur le web crient au génie devant d’autres morceaux comme On a Wicked Night, Ju Ju Bone ou Night Star Hel. La qualité partage. La médiocrité a plus tendance à être très fédératrice quand on chronique un disque.
En fait, le plus évident, c’est ce sentiment qui perdure. Ce n’est pas pour rien que Danzig a écrit Thirteen pour Johnny Cash. Même parcours hors des clous, même personnalité crépusculaire, même indépendance vis à vis de sa famille musicale. La nostalgie qu’on ressent à l’écoute de Deth Red Sabaoth pourrait durer pas mal de temps si on en croit Danzig. La question du magazine était : avez-vous déjà un plan pour le prochain album ?
“I don't know, we'll see. With the way record sales are now, and who knows? I mean, besides, I won't do some stupid pro-tool record in someone's living room where all the drum beats are stolen from somebody and just mashed together...and I'm not going to do that if I can't do a record how I want to do it, and if it's not financially feasible, I'm just not going to do one.”
Tout ce qui est rare est notable…