mardi 1 mars 2016

Live Real or Die Trying

Le moment le plus important de la vie de ton groupe est la première minute.

Colonne parue dans Abus Dangereux # 137 



Et si le mal qui touche les groupes se jouait dans la première demi-heure de leur existence ? Trois, quatre ou cinq personnes se retrouvent dans une cave et on se dit qu’avant de prononcer le moindre mot, les possibilités sont infinies. Tout est envisageable et il n’y a aucune pression ni aucune attente. La plus folle des innovations est possible, il n’y a pas la moindre putain de barrière. Aucun contrat de major n’attend à la porte, ni à l’inverse, ne t’oblige à sortir un disque de platine calibré pour la radio. Alors je pose la question : qui est assez con pour s’auto-brider dans ces conditions ? La réponse ressentie depuis des décennies est « mm, plus ou moins tout le monde ».

C’est vrai pour les groupes du monde entier en réalité, mais nous en France, on a une entrave supplémentaire : on a le « complexe français », la déconnexion du flux musical mondial. Et au lieu d’en faire du fuel pour un challenge d’outsider, du panache jemenfoutiste, on orchestre ce défaut pour qu’il devienne structurel. Un groupe qui veut « réussir » (établissant ainsi un parallèle entre la subjectivité musicale et un bordel pragmatique comme HEC ou le CAC40) va pouvoir bénéficier d’un accompagnement. Il y apprendra principalement à remplir des papiers de subventions et à concourir pour remporter des radio crochets. Il y fera aussi des « résidences » où il apprendra comment gérer une scène de la même façon que ses prédécesseurs. Ensuite, il bénéficiera de la législation sur les quotas radio qui sévissent en France et qui promet plus d’exposition aux groupes du territoire. Sans trop regarder où se situent leur qualité sur le mappemonde international. Sans trop regarder non plus s'ils sont raccords avec les lieux qui créent ou fortifient les tendances, ailleurs.









Je comprends parfaitement ce raccord au sentiment d’appartenance, ce besoin de se connecter à une famille, mais c’est un résultat finalement très impersonnel pour essayer de pécho une caution quelconque à travers un discours qui n’est pas le sien. Il faudra à un moment réaliser que la nostalgie du revival, c’est quand même un peu particulier. C’est dire haut et fort que tu es plus fasciné par un instantané au vernis épais que des gens ont vécu/imaginé il y a des plombes plutôt que par ce que toi tu peux créer de nouveau aujourd’hui, ou vivre par tes propres moyens, plus largement. Tu admires des gens qui ont innové et tu imites chacun de leur détail en étant aussi dans le contexte que 50 ans de retard le permettent. Le seul truc gratifiant que tu devrais recevoir, c’est une moue paternaliste et une tape empathique dans le dos. Peut-être même un secouage de tête lent et empathique. Soyons clairs : une démo aux codes formatés laisse deux options, soit elle a été écrite en 1986, soit elle mérite d'y retourner par le portail du temps qui semble ouvert au fond de ma poubelle.

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Peu importe le genre de discours d’intention que je suis en train de faire ici. Il suffit finalement de consulter les chiffres, d’ausculter les faits : franchement, et c’est une question plus pragmatique que pessimiste, que restera-t-il de la musique des 2010s ? Est-ce qu’on retiendra vraiment cette indie pop qui court après le gimmick ver-d’oreille pour cachetonner dans des pubs de voiture ou d’assurance ? Cette recherche de l’apparition TV, identifiable en 2 secondes et déjà condamnable à la moitié ?





 


Il n’est pas question de dire « c’était mieux avant ». A priori c’était loin de l’être. Mais c’est davantage un appel à se remettre à l’endroit, dans le grand pragmatisme de l’activité musicale. Il faut instaurer un recul, s’inspirer des groupes DIY à la Black Flag ou Minor Threat. Personne n’attendait rien de ces kids au départ, personne ne leur a non plus donné de crédit. Personne ne leur a offert de contrat d’édition, ne leur a filé de thunes pour booster leur carrière. Ils ont écrit des morceaux, ont pressé des disques par leurs propres moyens puis ils sont montés dans un van et ont fait des tournées qu’ils ont eux-même bookées. C’est un exemple. Pas de misérabilisme et de flagellation spartiate, chaque expérience est personnelle et il n’y a pas une manière unique de bien faire. Par contre, quand on a recours à Ulule ou KissKissBankBank comme on demanderait de l’argent de poche à ses parents : « ouin ouin, j’ai envie de faire un disque, donnez moi des sous », on n’est pas dans la bonne file de l’autonomie qui assure l’indépendance créative à tous les étages. Ca tient plus de la tombola à la kermesse de CM1 qu’à l’expression créative brute. Va jouer, amasse les cachets pouraves et quand tu y auras ajouté 10% de ton argent de poche pendant 6 mois, presse ton disque et vends le aux concerts. Respecte ta production. Les grands monuments du rock étaient suivis parce qu’ils proposaient un truc nouveau  - et qu’ils étaient dingues – pas parce que leur business plan était impeccable.

Musique française, redeviens sauvage. Rugis au petit matin dans la steppe, plutôt que de te comporter en animal mis en cage, baillant dans un zoo à attendre qu’on remplisse ta gamelle. Redémarre à zéro. Prends le parti de te tamponner de ces conseils sur le look ou la scénographie. Mets plus d’intensité sur scène que de temps à web-manager ta page facebook. Et commence par ce truc si fondateur pour la suite : écris un morceau avant de penser à le vendre.



 

samedi 1 août 2015

Honey, I’m Home !!


C’est dur de se faire une place quand on est une femme dans ce ghetto parfois misogyne qu’est le rock à guitare. Il faut être deux fois meilleure. Si un groupe de mecs fait dans la pose et le cliché, c’est ok, on l’ignore. Si c’est un gang de filles, tout le monde crie à l’incompétence. Well. La question est celle-ci : combien d’artistes majeurs a-t-on loupé juste parce que c’étaient des femmes ? A quel point ces filles auraient été des légendes si elles avaient été des mecs ? 

Ok les kids, n’inondez pas le courrier des lecteurs. Ce n’est ni un Top 5 au mérite, ni une liste exhaustive. C’est juste un amas de meufs à qui on n’a pas filé assez de crédit. Plusieurs aspects de l’existence de la fille dans la jungle paternaliste qu’est le rock. Plusieurs de ces moments où une fille a changé la suite de l’histoire, aussi.
colonne publiée dans Abus Dangereux # 136 - juillet 2015


Sister Rosetta Tharpe

« the original soul sister ». Rosie chante du gospel reconditionné selon son caractère perso. En 1944, elle fait le crossover décisif et enregistre strange things happening every day, seule avec sa voix et une guitare électrique. L’establishment religieux ne la cautionne pas, les adolescents oui. Le début d’une longue histoire pour la musique de ce type. Sa caution rock aussi. De leur propre aveu, elle a influencé ceux sur lesquels on fixe l’année zéro du rock : Little Richard, Johnny Cash, Elvis Presley et Chuck Berry. Un précurseur chez les pionniers, quoi.


 


Sylvia Robinson
Virgina Woolf disait : « au cours de l’Histoire, ‘anonyme’ a toujours désigné un effort féminin ». Sylvia Robinson a produit le premier hit de rap : rapper’s delight de Sugarhill Gang. Huit millions de copies vendues. Elle a inspiré des millions de plus qui ont imité ses choix, puisque le hip-hop a longtemps tenu sur cette recette précise. Elle a ensuite co-écrit the message de Grandmaster Flash. Pour rigoler.



Kim Gordon
La détermination sous forme de normalisation. Car Kim Gordon n’est pas une « fille », c’est juste un membre de Sonic Youth comme les autres. Ca paraît être un constat à la limite du stupide en 2015, mais en 1981, c’était la première. Kim n’était ni la star glamour mise en avant par la promo, ni une groupie cantonnée à l’ombre. 



Yoko Ono

L’archétype de la personne qui cristallise un problème, même faux, et qui ne finit plus par représenter que ça. Yoko Ono est la femme qui est venue mettre le bordel dans un groupe. Le groupe en question était légendaire, l’exposition du problème a donc été optimale. Et c’est ensuite devenu une légende urbaine, une brique à part entière de l’Histoire du Rock. Courtney Love a pris sa place dans l’imaginaire collectif dans les 90s, dans le même schéma surexposé. On peut penser que les Beatles étaient juste rincés. Comme l’était Nirvana, qui reposait sur trois slackers qui ne demandaient qu’à jongler entre ironie et anonymat underground. La théorie de la mante religieuse a permis de faire un autre constat : il est aussi difficile pour les filles de se faire une place dans la presse musicale que dans le rock. Du coup, qui se souvient de l’apport avant-garde de l’artiste Yoko Ono ?




 
Dusty Springfield

Quand Dusty Springfield enregistre sa référence Dusty in Memphis en 1968, elle n’avait jamais enregistré avec un producteur extérieur, Jerry Wexler imposé ici par Atlantic. Elle a alors longtemps été traité de femme caractérielle, mais lui raconte une toute autre version dans son autobiographie Rhythm and Blues : « je n’avais jamais travaillé avec quelqu’un qui était autant à la recherche de la perfection. Les sessions ont été un vrai challenge pour moi. J’avais commencé à travailler sur les morceaux. Dusty en a approuvé exactement zéro. Pour elle, dire oui à la fin d’une chanson était vu avec l’intensité d’un engagement à vie. » Dusty Springfield avait autoproduit avec succès tous ses disques précédents, ce pour quoi elle n’avait jamais demandé aucun crédit, mais ce qui est notable dans le contexte. Elle qui venait d’une famille très catholique de Grande-Bretagne (son vrai nom est ostentatoire : Mary Isobel Catherine Bernadette O’Brien) a fait son coming out après avoir gagné le très difficile marché US. Elle a aussi suggéré à Atlantic de signer Led Zeppelin. Le label n’en avait jamais entendu parler et les a signé sans jamais les voir ni les écouter, simplement sur l’avis de Dusty Springfield.  C’est ce que j’appelle gagner sa crédibilité. 


 
L7

Festival de Reading, 1992. Donita Sparks du groupe L7 balance son tampon hygiénique dans la foule en réponse aux projectiles que le public envoyait sur le groupe. Le magazine Spinner a élu ce moment « L’anecdote la plus dégoûtante de l'Histoire du rock ». En 1995, pendant Nulle Part Ailleurs et en direct sur Canal +, c’est Jennifer Finch qui essaie de détruire à la fois le plateau, le glamour du Festival de Cannes et la tiédeur des mecs qui pensaient être underground mais qui aimaient surtout la playlist RTL2. Probablement le live le plus décadent de l’histoire de la télé française.


The Blossoms
En 1962, les Crystals sont les égéries du producteur Phil Spector. Ce dernier, en visite dans les bureaux de Liberty Records, entend une chanson déjà promise à Snuff Garrett, qui veut la faire enregistrer par Vikki Carr. Phil Spector s'empresse de rentrer à Los Angeles pour sortir le single avant celui de Vikki Carr. Seulement, les Crystals sont en tournée sur la côte est. Spector embauche alors les Blossoms, un groupe de choristes souvent utilisés par les grands groupes sur scène ou en studio, pour se substituer aux vraies Crystals le temps du disque. Dès sa sortie le disque est propulsé numéro un, et les vraies Crystals découvrent bouche bée "leur" nouveau single à la radio. Surtout le groupe a du ajouter tout de suite la chanson à son répertoire sur scène. Le problème étant que la chanteuse lead, Barbara Alston, ne pouvait pas imiter le chant habité de la blossom Darlene Love. La chanson He's a rebel est aujourd'hui citée comme exemple des productions féminines de Phil Spector. Les Blossoms, elles, ont été défrayées comme des musiciens de studio. Darlene Love a bien essayé de faire valoir ses droits par la suite, mais Spector a toujours répondu: "C'est ma musique, vous n'êtes rien sans moi." Les Blossoms sont quand même passées à la postérité puisqu'elles figurent comme choeurs dans le célèbre '68 Comeback Special qu'Elvis Presley avait enregistré pour la NBC.

 

Jayne County
« Are you man enough to be a woman ? » chantait Wayne/Jayne.  Après avoir été actrice à la Factory d’Andy Warhol, il/elle participe en 1969 aux émeutes de Stonewall à Greenwich Village, protestant contre la violence policière à l’encontre des gays. L’événement est souvent perçu comme le point de départ de la libération homosexuelle et du mouvement moderne aux US. Il/elle crée ensuite Wayne County and the Electric Chairs et influence la scène punk de 1975 à New York, des Ramones à Patti Smith, ou des mecs au radar bien affuté, comme David Bowie ou Lou Reed. Il/elle assume finalement sa transsexualité et change son nom définitivement en Jayne. Ce qui ne l’empêche pas de se battre sur la scène du CBGB avec Dick Manitoba, ex-catcheur et chanteur des Dictators.


vendredi 20 mars 2015

Tout ce qui brille n’est pas de l’or


Y a-t-il une forme de yoga qui permet d’appréhender sereinement les gens qui filment les concerts avec leur portable?

Indianapolis. 2012. Bruce Dickinson d’Iron Maiden salade un gars absorbé par son portable et c’est immortalisé sur une vidéo largement diffusée sur le web: « Ah, for fucks sake, the guy with the bald head and the white shirt, you've been texting for the last fucking three songs. You're a wanker ! » 

colonne parue dans Abus Dangereux # 135 



Enorme concert. Tu as acheté ta place un an à l’avance. Ton amour du groupe vient d’être évalué à environ 75€, c’est en tout cas ce qu’indique le bout de papier. Tu révises en faisant tourner en boucle la discographie entière du bordel pendant des semaines. Tu arrives à l’avance avec l’excitation de ton premier Noël. Tu es à 40 bons mètres de la scène. Et ce que tu vois principalement, c’est une forêt d’écrans de smartphones. Pas besoin d’avoir forcément expérimenté le phénomène sur place, ils sont maintenant visibles même sur les DVDs lives. Chacun filme son concert. Comme pour poinçonner l’événement, dire « j’y étais ». Pur individualisme alors que ce genre d’événement a toujours été une question de communauté culturelle.  « Regarde ce que je vis ». Well, tu ne le vis pas terriblement, puisque tu fixes ton écran exactement comme si tu lisais ton horoscope le matin dans le métro. Voilà. Ce gars qui prend le concert en photo est l’équivalent de ce moustique qui veut absolument ta ruine dans l’obscurité d’une nuit d’été. Il est bien seul mais il est partout. Ta némésis. C’est difficile de savoir si oui ou non, ce père de famille va réunir tous ses kids à Noël devant l’écran pour leur montrer cette vidéo tremblotante avec un délicat « SCHHRRRR » en guise de son HD. Et puis si c’est le problème, on peut très bien raconter à ses potes qu’on a assisté à un super concert sans pour autant faire chier tout le monde. Right ? Non, il faut une preuve. C’est une tendance qui se développe ces dernières années : payer un billet au prix exponentiel pour brandir juste un excluant et péremptoire « j’y étais/toi pas ». La photo de concert est devenu le but ultime, au-dessus du show. Un avatar de réseau social. Mais qui a une vraie discussion après ? C’était juste « super ». Beh ouais, parce qu’on y était. Mais quand les gens allaient régulièrement voir des concerts, il y avait une discussion critique, du fonds, un échange. Ce n’était pas une vitrine sociale, une gloire solo. Finalement, c’est un peu devenu l’équivalent des files d’attente d’une semaine pour voir un nouveau Star Wars. Le comportement clientéliste s’est emparé de la performance live et ça revient à faire des artistes des singes savants qu’on paie grassement pour s’ébrouer sur une estrade. Bref, c’est comme un selfie devant la Tour Eiffel, quoi. L’ego au même niveau que la postérité. R.I.P. l’identification et les rêves teenagers.






Car si les smartphones sont la partie émergée de l’iceberg, c’est en fait le public entier qui a brutalement changé. Le public de départ – et on ne parle pas du sacro-saint « avant » mais bien du concept initial – avait la « chance » de vivre l’événement, et en faisait un package qui correspondait à son attrait global pour le groupe. Ce qu’il ressentait en changeant la face du nouveau disque. Ce qui le faisait lire une interview dans un magazine. Tout est dû, pour ce nouveau public. Un concert, c’est simplement le SAV de leur dépense stricte en CD et en ticket. Un peu comme quand un touriste se comporte comme un connard dans l’avion parce qu’il a mis une bonne partie de ses économies dans le voyage. « C’est toute le société qui est en fait shootée à la technologie », dit le cool Ian MacKaye (Minor Threat, Fugazi, label Dischord). Il cite une récente recherche psychologique qui a découvert que texter ou tweeter déclenche la production de dopamine dans le cerveau. Il s’oppose clairement aux portables pendant les concerts pour une raison un peu différente. Selon lui, les fans se tirent une balle dans le pied parce que l’énergie des shows est toujours venue davantage du public que du groupe sur scène. « J’aimerais que le public retrouve un sens des responsabilités dans sa participation au concert. Pas une responsabilité vis à vis du groupe, mais une responsabilité vis à vis de lui-même. » Ca rappelle la discussion d’un couple de japonais fan d’Elvis dans le film de Jim Jarmusch, Mystery Train. « Pourquoi tu ne prends en photo que les chambres d’hôtel ? » - « parce que le reste je m’en souviens. Les chambres d’hôtel, je les oublie ».





On n’est même pas dans le topo de l’enregistrement illégal, comme on a pu traîter les bootlegs jusqu’à l’explosion du chargement internet à grande échelle. On vit une phase où l’auto-régulation des moeurs n’a pas pu suivre l’évolution de la technologie. Probablement qu’on ne supporte plus l’ennui ou une forme de passivité. De vivre un événement s’il ne le documente pas sur les réseaux sociaux. 90 minutes debout à un concert n’est plus compatible avec notre cyber-époque, qui injecte à tous un grave trouble de la concentration. Ou une désaccoutumance à la tâche unique. Une époque 2.0 qui préfère l’ubiquité au «ici et maintenant».
Les solutions ? Elles pourraient venir du smartphone lui-même. Déjà, parce que certains labels y voient à l’inverse une démocratisation et pensent créer des sites internet qui rassembleraient ces vidéos de fans avec une prise de son décente, directement de la console. Mais aussi, parce que le problème a généré des idées. Il y a l’appli Kimd qui s’adresse aux fans qui veulent filmer le concert mais qui ont conscience que leur comportement peut être génant. Kimd neutralise le flash et éteint l’écran dès que l’enregistrement commence. De l’autre côté du spectre de la discrétion, Dan Deacon propose à chacun de ses concerts de télécharger une appli gratuite pour que les téléphones réagissent à la musique et crée des flashs stroboscopiques. Faire du téléphone un outil communautaire, un acteur du show. Pour mieux ne pas s’en servir, aussi. En partenariat avec certaines salles américaines, la marque Yondr – elle – fournit à chaque possesseur de smartphone un étui qui se scelle une fois dans la salle. Il est apparu que dans ces cas là, ceux qui faisaient entrer leur bordel dans le slip se faisaient bien reprendre par le reste du public.

Bref, on peut jongler avec ce fléau, mais comme Jem Finer des Pogues le résume très bien : "on ne peut pas vivre l'expérience d'un live sans y être". La sentence semble viser autant ceux qui font les vidéos tremblotantes que ceux qui les regardent sur YouTube.



vendredi 13 mars 2015

Turbonegro must be destroyed

Once Upon a Fan


 “A hero is a goddam stupid thing to have in the first place and a general block to anything you might wanta accomplish on your own.” Dans les 70s, Lester Bangs a injecté un principe crucial dans la journalisme rock, le principe en fait normal du « une vraie personne parle à une autre vraie personne » dans les interviews. Mais (mal) exploité par d’autres plus tard, ça a donné le gonzo et ça a mené à sa perte toute l’écriture des blogs en en faisant une masse totalement indigeste de « je suis le sujet important de mon propre article ». Le très insupportable Me, myself and I malsain et mal maîtrisé. Bangs a aussi eu à coeur au fil de sa carrière de malmener particulièrement les artistes dont il était le plus fan. Ses entretiens avec son héros Lou Reed ont souvent été près de se finir en baston bien nerveuse.
Je suis parti sur la même ligne de conduite, ne pas être complaisant avec les groupes dont je suis fan. Je fais partie de la turbojugend, le fan-club de Turbonegro, et je porte ma veste en jean très reconnaissable un peu partout sur les festivals. Alors quand j’arrive face à ces deux mecs cools, un pince sans rire vraiment classe et le dernier guitar hero du rock modeste et quasi-muet, et qu’ils me voient avec ça sur le dos, je ne m’attends pas à ce qu’ils se disent quoi que ce soit d’autre que « allez, encore un fan-boy. Classique. Les doigts dans le nez.» Ce n’est pas envisageable,. Le but n’était pas de les mettre en colère non plus, gratuitement, mais de les pousser dans les vrais problèmes et qu’ils convainquent le public en réagissant à la cool. Je m’en veux un peu mais ...  je préfère mon éthique à une quelconque réciprocité de l’amour que je peux porter à un groupe. 
Interview publiée dans Abus Dangereux # 134


 
Vous êtes sur une activité en pointillé actuellement, pas vraiment en tournée mais ... (il coupe)
Rune : oui, on fait juste des festivals cet été.
C’est dommage car vous sortez de l’underground et des clubs et il n’y a plus beaucoup d’opportunités de vous voir dans ces conditions.
Euroboy : Mm, c’est juste ton opinion, juste ton opinion.
Rune : On ne fait pas ce genre de distinction entre clubs et festivals.
Sur votre compte Instagram, on vous voit pas mal en studio en ce moment. Vous enregistrez le nouvel album ?
Rune : on écrit de nouvelles chansons.
Euroboy : oui, on bosse sur quelques trucs mais ce ne devrait être qu’un single pour la fin d’année. Rien de construit.


Parce que du coup, en postant ces photos, vous avez alimenté l’auto-rumeur comme quoi vous bossiez sur un  album, sans le vouloir. Vous prenez votre temps. Avec du recul d’ailleurs, est-ce que vous pensez que vous ne vous êtes pas trop précipités quand Sexual Harassment est sorti très vite après la présentation de Tony (NdR : Sylvester, le chanteur qui a remplacé Hank Von Helvete), avant même de s’être fait la main sur les festivals d’été à l’époque ?
Euroboy : Euuuuh ...
Rune : je pense au contraire que c’était le timing parfait.
Euroboy : Il a atteint la première place dans les charts en Norvège, et je pense qu’on a fait des shows plutôt solides sur cette tournée. Même aux Etats-Unis. Je trouve que tout ce qui a entouré cet album a été un grand succès, au contraire.
Je ne parlais pas des ventes, mais de la qualité et l’homogénéité de l’album en comparaison avec les disques précédents. On sent qu’il y a de bons trucs mais que ça a peut-être été un peu trop vite. Comme pour rassurer les fans après une période de flou. Je dis simplement que ça aurait pu être un album différent si vous aviez attendu que Tony prenne ses marques sur la route.
Euroboy : je crois que tu te plantes. Ca faisait 4 ou 5 ans depuis le dernier disque et on a écrit ces morceaux depuis, ils n’étaient pas exactement frais. Des morceaux comme « You give me worms » ou « Dude without a face » ont été écrit pendant que Retox sortait. On a même des démos de ces chansons avec Nick Oliveri au chant.
Sexual Harrasment sonnait très Ass Cobra, très punk. Principalement à cause de la voix de Tony.
Rune : oui, un retour aux sources, il avait été en grande partie enregistré live en studio.
Euroboy : qu’est ce que tu veux dire par là ? « Principalement à cause de la voix de Tony » ?
Que la voix de Tony est très rêche et brute. Et que ça mène naturellement à ce que les compos sonnent comme quand vous étiez dans les années Ass Cobra avec un punk qui s’apparente plus à un bourre-pif.
Euroboy : je crois que ça n’a rien à voir. Ce disque a été enregistré avec un producteur, dans un studio confortable à New York, et les chansons ont été longuement répétées, sont mieux écrites. C’est un album bien plus professionnel.
Rune : Ass Cobra s’apparente juste à une compilation de singles punk qu’on jouait à l’époque.


 
Les morceaux que vous êtes en train d’écrire vont dans cette même direction ?
Euroboy : Ca va être plutôt différent. Très mainstream, plutôt commercial, on vise le passage radio.
Non, mais sans déconner.
Euroboy : personne ne déconne ici.
Bah, même les Minutemen l’ont fait sur Project : merch. Ce n’est pas si grave.
Rune : j’adore cet album.
C’est dur pour vous de vous placer des fois, uh ? Vous êtes trop punks pour le public métal, trop heavy metal pour le public punk, trop classic rock pour l’underground, trop underground pour le mainstream.
Rune : je pense qu’on est ok là où on est.
Euroboy : on est un groupe qui a un sens du passé rock. Si tu as des références, tu vas entendre beaucoup d’échos et d’hommages dans ce qu’on fait. Iggy Pop, les Rolling Stones ou les Ramones. Il y a aussi des éléments plus provocateurs de la culture gay avec beaucoup d’éléments glam rock aussi. On est ancrés dans le rock scandinave aussi, on peut difficilement se départir de l’association au black metal. On a pas mal de cordes à nos arcs, je crois que beaucoup de gens peuvent se sentir concernés par ce qu’on fait, au contraire. On peut jouer dans n’importe quel festival sans se sentir à côté de la plaque.
Très cool. Et qu’est ce qui se passe avec Pal Pot Pamparius ? Il va rejoindre le groupe à un moment ou il est parti pour toujours ? Parce que selon moi, il est le vrai élément manquant de la formule actuelle, bien plus que Hank que la majorité des fans préfère pleurer.
Rune : Mm non, je ne pense pas qu’il revienne dans le groupe. On est bons amis, mais il a d’autres priorités maintenant.
Merci les mecs, c’était sympa. On peut faire une photo quand même ?
(long silence) (visages crispés)



A lire absolument en bonus, le très cool papier de Noisey Vice sur les Turbojugends, mitonné au Hellfest 2014 >> Turbojugend Rising.

jeudi 20 novembre 2014

JUDAS PRIEST


Si tu demandes à un gosse de dessiner un groupe de heavy metal, il va y mettre tout le stock de clichés sur le genre : un chanteur à la voix suraigüe, deux guitaristes, du cuir, des clous et du headbanging. Bref, il ne connaît peut-être pas Judas Priest ce kid, mais au fond il ne connaît qu’eux. Tu y rajoutes une consommation de batteurs à la Spinal Tap et finalement, tu as noir sur blanc un topo qui prête à sourire. Mais ce groupe de cols bleus de Birmingham a eu le mérite de créer un standard en reproduisant instinctivement le vacarme industriel des usines dessinant le paysage, et est resté cohérent pendant 15 ans à travers tout les bouleversements (punk, puis hair metal US et grunge). Le spectre de temps couvert par ses grands classiques, de British Steel en 1980 à Painkiller en 1990 n’a d’ailleurs pas été souvent vu chez ses concurrents directs.
Pour son 17e album, Judas Priest a vu se désintégrer son duo de guitares Downing / Tipton et le nouveau Richie Faulkner est venu mettre son coup de jeune, mais Rob Halford est toujours le même. Il nous parle de Redeemer of Souls sur le même contrepied trompe l’oeil qui touche le groupe : plus gentlemen cultivé que motard à clou.

Interview publiée dans New Noise # 23



Le nouvel album – Redeemer of Souls – sonne comme un mix entre le Judas Priest de la fin des années 70 et celui de Painkiller (1990).
Ca fait six ans qu’on a sorti Nostradamus, mais ensuite il y a eu le très long Epitaph Tour où on faisait une revue complète de la discographie de Judas Priest. Ca nous a donné l’occasion de remettre le nez dans les origines du groupe, de récapituler tous les moments significatifs de notre route en commun. Quand on est entrés en studio, on voulait partir avec une certaine fraicheur, on n’a jamais écouté nos vieux disques. Ce n’était donc pas un but avoué de notre part mais tous ces morceaux joués sur la route étaient présents dans les esprits. L’arrivée de Richie (NdR : Faulkner, le guitariste qui a pris la place de KK Downing) a amené un souffle nouveau, entre réelle loyauté à ce qu’on a été et regard neuf, plus moderne. Donc j’aime beaucoup ce genre de comparaison, car Painkiller était déjà dans la même situation, avec des morceaux dans la lignée de ce qu’on avait fait avant, mais un son revigoré par l’arrivée de Scott Travis (NdR : le batteur tentaculaire avait remplacé le beaucoup moins doué Dave Holland). Mais si on veut éviter le jeu des comparaisons, c’est simplement de nouvelles compos de Judas Priest, ce que le groupe avait à dire en 2014 (rires).
Alors c’est le premier album avec Richie Faulkner, ok, mais on devrait peut-être dire plutôt que c’est le premier de l’histoire sans KK Downing.
Bah, la vie continue. On a toujours pensé que Judas Priest n’était pas centré sur un membre en particulier, et je suis bien placé pour en parler (NdR : Rob Halford a quitté le groupe de 1992 à 2003). KK sera toujours une forte composante de notre histoire car il a amené un style de guitare, il a composé des chansons et tout le reste. Mais il a choisi de prendre sa retraite et ce n’est pas le cas pour nous.




Redeemer of Souls revient aux fondations du groupe après avoir expérimenté sur Nostradamus. Vous étiez mal à l’aise dans le plan concept album ?
Non, tout le monde dans le groupe a apprécié faire Nostradamus et on assume encore aujourd’hui sans trop forcer. Je pense que l’album sera mieux accepté et obtiendra plus de reconnaissance au fil du temps. On n’avait jamais fait ce genre de chose avant, donc on s’attendait à avoir des réactions négatives. Mais je me souviens qu’on avait eu des retours plutôt virulents pour Painkiller aussi. Parfois, les metalheads sont un peu comme ça. « Je veux British Steel, encore et encore ». Et puis les plus jeunes répondront à ça avec un « je veux Painkiller moi, éternellement ». Si tu te mets à écouter tout le monde, tu deviens complètement dingue. Nostradamus a peut-être offert une tonalité très différente à ce qu’on a toujours fait, mais je pense que c’était du bon boulot. Il faut plus de temps pour l’appréhender, par contre. Je crois aussi que ça part d’une nouvelle vision des disques. Ce n’est pas un produit, c’est comme les livres ou les films, il faut que chacun s’investisse dans son approche. Tu ne juges pas un film en quittant la salle au bout d’une heure seulement, tu ne refermes pas un bouquin à la 50e page. Tu vas jusqu’au bout. Tu dois donner de ton temps et de ta patience au support. Et il semble qu’aujourd’hui, la patience que le « consommateur » est prêt à donner à un nouveau disque est limitée. Il y a un besoin d’immédiateté très handicapant pour l’art en général.
Le groupe a été affecté par les critiques négatives ?
Non, je crois qu’on doit avancer sans penser à des critiques quelconques. Je n’ai pas besoin de ça pour savoir si ce que je fais est ok ou pas.
Mais en 2014, les gens attendent un Judas Priest qui récite ses gammes classiques, on dirait que vous n’avez pas la permission de vous aventurer dans de nouvelles directions comme vous avez pu le faire avec Turbo dans les années 80. Est-ce que la postérité rend les choses difficiles au niveau de la composition ? A la fois parce que les gens attendent les bonnes vieilles recettes, et parce que peut-être vous ressentez inconsciemment un manque de motivation créative à cause de ça.
C’est sûr qu’à un moment de ta carrière, tu jongles avec beaucoup d’émotions. Mais si tu penses trop à ça, tu ruines absolument tout. Tu détruis l’âme du groupe, l’esprit général. Je crois que le secret est de toujours te faire confiance et quand tu as fait tes choix, de les exécuter le mieux possible. Beaucoup de gens ont fait très attention aux critiques qui les entouraient et ils n’ont pas eu des carrières très longues.



Judas Priest est resté actif au cours de quatre décennies. Le heavy metal s’était construit sur un fort sentiment de « nous contre le reste du monde », en se plaçant dans la peau d’éternels outsiders, mais le mouvement a survécu au punk, à la new wave, au grunge et à l’indie pop, qui avaient tous en commun de taper plutôt dur sur le style. Tu penses que ce sentiment a disparu aujourd’hui ? Que ce ne peut plus être « vous contre le reste du monde » vu que tout le monde accepte le heavy metal comme un mouvement plutôt mainstream et que l’horizon est donc plus dégagé pour les nouveaux groupes de métal ?
C’est une très bonne question. Oui, je crois que le metal a vécu des moments très compliqués à la fin des années 70 et au début des années 80. En fait, à travers tous les mouvements dont tu parles. Et on a du gagner beaucoup de batailles pour finalement accéder directement au mainstream. C’est assez ironique. Ce qui a été toujours un socle important dans le heavy metal, c’est le soutien particulier des fans. Je ne sais pas si c’est comparable dans les autres secteurs du rock. Ca procure toujours des ressources insoupçonnées d’être rejeté sans cesse, mais je crois que la bataille continue malgré tout dans le sens où les groupes de metal ont toujours besoin de prouver leur pertinence et leur vraisemblance. Ca reste un mouvement mésestimé. En ce qui nous concerne par exemple, je ne veux pas que Judas Priest soit considéré comme un simple groupe de heavy metal old-school, vaguement has been. Je veux que ce disque soit respecté au milieu de toutes les sorties de 2014, et non comme un énième chapitre de notre discographie.
Certaines de vos marques de fabrique les plus connues ont été validées comme clichés absolus du heavy metal dans les années 80 : le cuir, le headbanging synchronisé sur scène, les riffs plombés exécutés par deux guitares... Penses-tu que ça vous a aidé quand il y a eu un revival, en vous faisant immédiatement sonner comme un classique chez les kids ?
Il y a  des choses que tu peux contrôler et d’autres qui se développent sans que tu ne puisses le faire. Tu dois avoir la peau dure quand tu es dans un groupe. Les gens diront que tu fais de la merde, que ton look est horrible, ce genre de choses. Il faut laisser passer ces choses sans trop s’en préoccuper car c’est souvent temporaire et ce n’est pas forcément représentatif de ce que pense la majorité des gens qui te suivent. Je crois que la qualité principale quand tu fais de la musique, c’est la persévérance. Croire en ce que tu fais, tu ne peux pas contrôler si ça va aboutir à une vague de critiques ou à la postérité, « sonner comme un classique » tu ne peux pas le décider le premier jour.


Au cours des mauvaises années, vous avez acquis une nouvelle popularité et un nouveau public grâce à des shows TV, comme Beavis et Butt-Head ou le reportage Heavy Metal Parking Lot. Vous êtes apparus dans les Simpsons. N’est-ce pas bizarre pour un groupe plutôt rugueux comme Judas Priest ? Tu expliques ça comment ?
C’est très simple, on est favorables à tout ce qui peut porter la parole de Judas Priest sans la compromettre.  Déjà c’est gratifiant, car ça veut dire que le groupe a transpiré dans d’autres cultures et n’est plus simplement de la musique. Mais aussi parce que ce n’est pas juste nous, on doit accepter ce genre de choses car c’est bon pour l’image du heavy metal en général. Souvent, on ne fait pas attention aux conséquences : on s’est fait particulièrement attaquer pour avoir participé à American Idol, mais ce genre de choses arrive. Je crois toujours que c’est bien pour l’image du mouvement, pour que les foyers les plus modestes voient qu’on n’est pas qu’un troupeau de satanistes qui crachent du sang.



 
Dans Beavis et Butt-Head particulièrement, les showrunners établissaient un saint triptyque du heavy metal : les deux personnages portaient des t-shirts AC/DC et Metallica et chantaient Breaking the Law dans quasiment chaque épisode.
(rires) oui, les plus grands fans du monde. C’était flatteur d’être sur le podium.
Ce qui est intéressant avec les groupes anglais old-school de heavy metal, c’est que ce n’est jamais allé dans la même exagération que la scène US de hair metal. Judas Priest, Iron Maiden ou Motörhead, vous êtes tous restés très simples et pragmatiques, très humains. Qu’est ce qui a fait la vraie différence selon toi ?
Je crois vraiment que ça tient vraiment à l’endroit d’où tu viens. Les groupes européens ont toujours eu une différente approche dans l’attitude. L’endroit où tu nais, celui où tu grandis te modèlent dans l’approche que tu auras de la créativité. Je pense que le metal a été créé dans des environnements industriels plutôt rugueux, ça n’a rien à voir avec écrire des balades pour entrer dans les charts, mettre des spandex de toutes les couleurs et acheter des voitures flashy. Une des plus grandes vertus du heavy metal est son côté concret. Et tout le monde peut venir me voir dans la rue et discuter, comme Lemmy ou Bruce Dickinson. On n’est pas entourés de cordons de sécurité, on reste de vrais gens qui ne se prennent pas pour des parvenus. On sait d’où on vient.
Birmingham n’est pas vraiment Los Angeles.
(rires) Non, pour un tas illimité de raisons. Los Angeles peut parfois devenir une machine qui brise ou dilue les initiatives. J’adore cette ville, c’est un puits de créativité sans fond, mais c’est un environnement brutal. Birmingham est un point de départ, Los Angeles est davantage un point d’arrivée sur la route du succès. Ce doit être très difficile de réussir quand tu pars de là-bas. Je crois aussi que c’est plus facile de rester sincère et intègre quand tu viens de Birmingham que quand tu grandis dans l’effervescence d’Hollywood.




Judas Priest est un groupe qui a vécu plusieurs vies, qui pourrait remplir plusieurs bouquins et surtout, qui a été présent dans toutes les grandes batailles importantes de ses époques : vous étiez en 3e position sur la liste noire du PMRC (NdR : la ligue puritaine de l’épouse d’Al Gore), les procès au sujet des suicides causées par des soi-disant messages subliminaux sur les disques, toi tu as fait ton coming out en direct sur MTV...
Je suis d’accord mais je préfère penser qu’on n’a été que dans quelques controverses sur une période qui couvre plus de 4 décennies. C’est un bon score. Je suis fier qu’on n’ait jamais été un groupe qui crée le scandale sur des choses futiles. Certains groupes ont utilisé ça pour se faire de la pub ou se faire une image, je suis content qu’on ait eu d’autres arguments. Après, tu as totalement raison, on a toujours été dans les problématiques importantes et les avancées idéologiques au fil des années, mais dans ces combats là, on n’était pas particulièrement Judas Priest, on était un groupe de heavy metal puisque c’est tout le mouvement qui était montré du doigt. Et les victoires qu’on a remportées ont servi selon moi à toute la musique, au-delà de notre simple mouvement.
Quand tu as quitté le groupe dans les années 90, tu as semblé essayer la modernité avec Fight où tu as fait un premier album influencé par Pantera et un second dans une mouvance plus 70s, et 2wo, qui était davantage metal-pop-indus. Si tu devais te lancer dans un projet plus moderne aujourd’hui, vers quel style de musique irais-tu ?
Je ne sais pas si j’irais forcément vers la modernité, qui reste finalement une initiative toujours très datée, mais je ferais probablement un album heavy metal blues. Je ne crois pas que ça ait été une piste très creusée jusqu’ici, à moins que je ne me trompe. Sur Redeemer of Souls, on a écrit un morceau qui s’appelle Crossfire. On a construit à partir d’un solide riff heavy blues et c’est sûrement la chanson qui m’a le plus excitée sur le dernier disque.
Tu as des regrets au niveau de ces deux groupes, Fight et 2wo ? Tu aurais aimé amener les choses un peu plus loin ?
Oui j’aurais aimé mais si je me replonge dans la succession des événements, je me souviens que j’avais fait les deux albums de Fight et que j’allais faire le troisième. Et c’est là que j’ai rencontré Bob Marlette et Johnny 5. C’était excitant de voir ce que je pouvais faire de cette opportunité. J’ai alors croisé Trent Reznor à la Nouvelle Orléans pour Mardi Gras et c’est là que le disque de 2wo est devenu un projet plus concret. L’implication de tous a rendu ce moment assez spécial. Ce n’était pas comparable à Fight, mais dans ce style qui était très différent c’était plutôt heavy. Alors oui, les choses auraient pu être différentes. Les deux groupes auraient pu continuer et devenir des projets plus importants qu’ils ne l’ont été, mais c’est juste une histoire d’opportunités et de contexte. Et c’est vrai dans le futur aussi, je ne ferme pas ces opportunités là si elles se représentent avec la même envie. Je n’ai aucun regret, je suis heureux que ces projets aient existé et de les avoir abordé avec l’esprit ouvert et une certaine fraîcheur. Et sur un plan objectif, non ils n’ont probablement pas été développés comme ils l’auraient du, mais je suis revenu dans Judas Priest et c’est devenu la priorité absolue.
Judas Priest
Redeemer of Souls
(Epic Records/ Columbia Records)