lundi 30 janvier 2012

MOTÖRHEAD: Born to raise Hell


Culte itinérant de la cartouchière, de la volée de phalanges et du whisky tiède. Si l’underground avait décidé de monter un groupe avec l’intégrité, ça aurait été Motörhead au kyste près. 

Article paru dans ABUS DANGEREUX # 121 /// Décembre 2011
Photos live par Louise Dehaye


Si on m’avait dit un jour, sur le papier, que j’allais aduler le meilleur groupe gallois de l’histoire, avec un batteur suédois, un chanteur qui couvre au max le quart d’un octave et qui collectionne des reliques de la seconde guerre mondiale, et dont les 2/3 du groupe original ont été remplacés depuis longtemps ... well. Je veux dire merde mec, ça trahit quasiment tous les critères de sélection non ? Etre hors critères pour un groupe hors norme, par contre, c’est convenable.

Motörhead, c’est Motörhead. Ce qui est bluffant chez ce groupe, c’est cette persévérance qui emprunte à l’entêtement. Un de ces groupes monomaniaques, qui répète à l’envi le même album, qui ne perd jamais le cap. Les fans participent au processus, entre soutien indéfectible et garde-fou incorruptible. Si un album venait à changer de direction, les réactions seraient aussitôt épidermiques. Le groupe bénéficie d’une respectabilité dans tous les milieux : punk, métal, pop. A noter aussi qu’aucun groupe de cette génération n’a une production récente de cette qualité, aussi consistante et raccord avec ses albums historiques.

27 ans que Phil Campbell a remplacé Fast Eddie Clarke. Et des wagons de gars ne le remettraient pas s’ils le croisaient. Undercover hero. Pendant les minutes passées ensemble, le mec va tellement mal que j’ai en fait l’impression, au pire, de faire une interview post-mortem, au mieux d’être George Romero. Le soir, il arpente la scène comme si on était en 1984 et qu’il venait d’arriver dans le groupe. Intensité et enjeu comme si c’était le premier jour, c’est sûrement le secret de l’unicité de Motörhead. Et la preuve, s’il en fallait, que ce groupe est inoxydable.




Le live vient de sortir et pose une bonne question en creux : quel est l’endroit le plus bruyant sur Terre ?
Juste devant mon rack d’amplis. Non sans rire, c’est bruyant tous les soirs. C’est encore plus impressionnant dans une salle que dans les festivals en plein air. Les gens sont vraiment très bruyants parfois, crois moi. 

Le fidèle Cameron Webb s’occupe du son, mais parle moi du choix de Sam Dunn (Headbanger’s Journey, Flight 666) pour l’image.
On nous avait recommandé ce gars et on n’a pas été déçus. La manière dont il s’est investi, sa compréhension de tout le truc, un sacré mec. Le DVD est un mélange de plusieurs dates. On a sélectionné les meilleurs trucs qu’on a enregistrés sur la tournée. T’as des bouts de concerts au Chili, à New York … des publics vraiment différents. 



D’Inferno (2004) à the Wörld is Yoürs sorti l’an dernier, vous restez sur une série de très bons albums. Vous n’en avez pas marre que tout le monde soit resté coincé sur Ace of Spades ?
Pfff ouais. Mais qu’est ce que tu veux qu’on y fasse? L’autre jour, dans un magasin de disques, il y avait ce mec avec les vieux albums sous le bras et il arrive genre … 

Genre “Hey Fast Eddie, t’as vieilli, mec” !
Presque. Il me dit « tu es le guitariste de Motörhead ? ». Je réponds « euh ouais ». Il me serre la main « oh mec, comment ça va ? » Comment je vais ? Pas très bien putain, tu veux que je signe des vieux albums sur lesquels je ne joue même pas, des bootlegs aussi. J’ai signé ses trucs et je me suis barré. Motörhead ne se limite pas à Ace of Spades.

C’est pas difficile justement de jouer Overkill et Ace of Spades à chaque concert et d’avoir l’air impliqué soir après soir ?
Non parce qu’on sait qu’on arrive à la fin, ah ah. C’est toujours agréable de jouer, on ne s’en lasse absolument pas. C’est le cas pour quelques autres groupes, j’imagine. Je ne parle donc que pour nous trois. On est plutôt fatigués, je ne te cache rien, mais on se rapproche du bout.

Tu parles pas mal de la fin. C’est quelque chose que vous avez planifié ?
Non, on ne se dit pas « allez, un album et c’est fini ». On maintient le cap sans se poser de questions, c’est ce qu’on a toujours fait. Mais je suis vraiment pas bien là, je sors juste de l’hôpital, ça doit jouer sur mon discours. Je vais la jouer cool un moment.


 
Un truc particulier, c’est que Motörhead ne semble jamais démodé, notamment quand un nouveau disque sort. Je veux dire, l’actu de Deep Purple ou Judas Priest est accueillie avec une bonne dose d’indifférence en 2011, alors que vous faites encore partie du jeu.
Je ne sais vraiment pas pourquoi. On n’a pas à l’esprit ce qu’attendent les fans, ce qu’ils voudraient qu’on fasse. On écrit pour nous trois, avant tout. Même la maison de disques n’essaie pas de nous dire ce qu’on doit faire. Ils ont bien trop peur. J’imagine que si on pense que c’est bon, d’autres le penseront aussi, non ? On essaie juste de conserver un côté frais à notre musique – à la fois dans l’esprit et dans le son - et je pense que les gens savent apprécier ça. La moindre des choses, c’est de faire de notre mieux et ça semble fonctionner. Même si c’est parfois difficile hein. C’est pareil sur scène. On n’essaie pas de jouer un greatest hits perpétuel. On est encore en vie, pas dans un musée. 

Est-ce que c’est du à la méthode que vous semblez partager avec les Ramones : ne jamais dévier de la ligne droite ?
C’est difficile à expliquer concrètement, mais on sait comment on veut que le groupe sonne. Même quand on passe à l’acoustique comme pour cette pub Kronenbourg, c’est toujours très Motörhead. Quoiqu’on fasse, au fond. On essaie simplement de rester honnêtes et de produire les meilleures chansons qu’on est en mesure de créer. On vous laisse le boulot d’en parler, de vous pencher dessus et d’y réfléchir. Ce n’est pas notre truc.

Le jeu Amiga de 1992


 
Motörhead vient d’une époque où l’Angleterre générait les plus grands groupes du monde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pourquoi à ton avis ?
Hey, c’est ton avis ça, mec. Je pense que chaque pays a son tour à prendre. L’Angleterre a de très bons groupes en ce moment. Il y a des trucs vraiment terribles aux Etats-Unis, au Brésil … Tu sais, même quand j’ai commencé, t’avais soit les bons groupes soit la daube, et je me tenais quelque part au milieu. Je pense vraiment que ce n’est pas important au final d’où vient un groupe.

Tu ne penses pas que le vent, les mines de charbon, l’industrie lourde ont été une influence directe du son de groupes comme Motörhead, Judas Priest ou Black Sabbath ?
Pour Priest et Sabbath qui viennent des Midlands, c’était l’enfer, c’est sûr. Les sidérurgies, le temps dégueulasse, il n’y avait vraiment rien à faire là-bas. Ce n’était pas glamour ni flashy donc j’imagine que des gens comme Ozzy ont un jour décidé « hey et si on avait un peu de fun ». Mais je suis sûr que ouais, il y avait ce côté « merde mec, je ne descendrai pas dans les mines comme toute la famille avant moi ». Tu sais que Tony Iommi s’est coupé les doigts pour son dernier jour de travail à l’époque ? Vraiment pas de chance. Mais moi, je viens du Pays de Galles. La mer, tout ça. Il y avait bien des groupes comme Budgie mais bon.


Avec les années, Motörhead est considéré comme « métal », mais votre façon de faire tient beaucoup de vos racines punks.
Bah les étiquettes. On préfère juste penser qu’on fait du Motörhead, vraiment, même si ça sonne complètement stupide. C’est un genre de crossover. Ce n’est pas du métal. C’est juste du rock’n’roll joué fort par un beau tas d’enfoirés. 

Dans les festivals, vous partagez l’affiche avec des groupes de styles plus marqués: black metal, death metal … Ca vous intéresse ces groupes ou vous faites juste le job et vous partez ?
On n’est pas trop dans le black metal et tous ces trucs non. Parfois tu peux être surpris, mais la plupart du temps, c’est vraiment : « oh mec, sans rire ». Les festivals sont l’occasion de créer des mélanges surprenants. Quand on a fait Rock in Rio, on a joué après Elton John, Rihanna et Katy Perry.

 
 
Joe Petagno a eu un rôle énorme au niveau de l’image de Motörhead. Il est lié à quasiment toutes les pochettes du groupe.
Il n’a pas fait les dernières. (NdR : Joe Petagno a cessé la collaboration en 2007, après une brouille juridique incitée par son avocat. Les albums Motörizer et the Wörld is Yoürs, sortis après cette date, reprennent le logo de façon détourné)

Mais son dessin est encore repris indirectement sur Motörizer et the Wörld is yoürs.
C’est un super logo. Je ne pense pas que Joe ait quelque chose à voir avec le truc à la base. C’est un truc bien connu. Mais ça a procuré au groupe une très bonne identification. Qui sait combien de temps on aurait duré avec une image différente ? C’est une putain de bonne question.

C’est la même chose pour Iron Maiden, ouais. Toi Phil, tu sembles être victime du syndrome Ron Wood (« nouveau » guitariste des Rolling Stones depuis 1975). T’es dans le groupe depuis 1984 et tu es toujours considéré comme le « nouveau gars ». Tu es frustré de ne pas avoir plus d’exposition, alors que tu es le deuxième membre de Motörhead à avoir passé autant de temps dans le groupe ?
J’ai laissé tomber. Je m’en fous maintenant. Les gens continuent à me demander : « pourquoi Eddie Clarke a quitté le groupe ? » Mec, il a fait partie du groupe pendant sept ans. Ca doit être écrit dans un putain de magazine de l’époque, je sais pas moi. J’ai abandonné ce terrain là, je suis heureux comme ça. Ca fait vingt-sept ans et des gens sont encore préoccupés par Eddie Clarke. Il faut passer à autre chose, les gars. 


 
Tu te souviens de la première chanson que tu as enregistrée avec le groupe ? Je pense que c’était ‘Killed by Death’.
C’était une session avec quatre chansons, ouais: Killed by Death, Steal your Face, Snaggletooth et une autre que je ne retrouve pas (NdR : Locomotive). Ca remonte. J’avais déjà fréquenté des studios puisque je joue depuis que je suis gamin, mais je n’étais pas préparé à quelqu’un qui joue aussi fort que Lemmy. Ca a été un vrai choc pour moi.

T’as rejoint le groupe au même moment que Würzel. Il vient de nous quitter. 
C’était un gars super. Parti un peu trop vite. Il n’était pas bien depuis des années. Mais c’était un mec si drôle. Un jour, je l’appelle et un inconnu me dit qu’il est mort. Trois jours plus tard, il m’appelle comme si de rien n’était : « Oh pardon Philip, je me suis évanoui dans la rue. Un chinois m’a amené à l’hôpital.» Je n’oublierai jamais ce truc. C’était toujours comme ça avec Wurzel. Ah le pauvre enfoiré. 



Mikkey et toi, vous avez pas mal de liberté au niveau de la créativité. Beaucoup de chansons viennent de jams entre vous. 
On écrit généralement le canevas à deux mais c’est vraiment un effort à trois. Lem peut avoir une idée pour la base d’une chanson. On lui propose nos idées et il fait « c’est plutôt cool » ou « j’aime pas ce passage » et on change en fonction. Lemmy écrit les paroles. On ne le fait pas chier, c’est son terrain privilégié. Le meilleur des paroles tient lieu de titre. Chanson suivante. Il n’y a pas vraiment de règle écrite. Parfois t’as un truc qui te vient quand t’es seul chez toi mais la plupart du temps, nos meilleures idées sont apparues pendant les soundchecks avant les concerts. Un jour, le technicien son te dit « balance la guitare » et tu n’as pas envie de jouer un morceau du set alors tu joues quelque chose au hasard, et il te vient le meilleur riff que tu aies joué depuis des lustres. C’est un peu comme quand t’es bourré, t’as l’impression d’avoir trouvé l’idée de ta vie mais t’as plutôt intérêt à la jouer direct, sinon tu l‘oublies.

Ce n’est pas étrange de composer un riff avec un sentiment particulier et de voir revenir Lemmy avec un titre comme – disons – « I know how to die » ? T’es parfois surpris par le titre définitif des chansons ?
Je vais pas te cacher que des fois, c’est plutôt bizarre ouais, mais il y a longtemps que je ne m’en fais plus pour ça. Il y a des sujets plus importants sur lesquels on peut s’engueuler.


 
Comme dans le documentaire sur Lemmy dernièrement, Mikkey et toi êtes parfois ignorés par les médias mainstream dans l’identité Motörhead.
Ouais, les gars du documentaire ont du filmer leur truc quand on était aux chiottes, partis draguer ou au cinéma … je sais pas.

On revient à ce côté « oh tu sais ces mecs avec Lemmy » ?
Bah, le film était au sujet de Lem. Donc c’est logique. Mais les producteurs nous ont suivi partout pendant trois ans, sur la route et dans nos vies respectives. Ils auraient quand même pu se permettre de nous mettre un peu plus à l’écran. J’étais un peu déçu, à vrai dire. Mais c’est ok, ça appartient au passé et tu ne peux pas changer le passé, hein.

Quelle serait la meilleure (et courte) definition pour Motörhead ?
« The world is yours, but if you step in my dressroom, I will fucking kick your ass » (NdR: le monde est à tes pieds, mais si tu me déranges backstage, je te botterai le cul)

jeudi 26 janvier 2012

Finish ör Die


10 jeux qu'on doit ne pas arriver à finir au moins une fois dans sa vie

Je m'occupe régulièrement d'une chronique rétro-gaming dans le fanzine Bad Ideas. On m'a demandé pour ce numéro de faire un top 10 des fins de jeux ... Alors on peut pas faire moins exhaustif: ça va être hyper rétro et basé uniquement sur mon expérience perso. Du gonzo-gaming quoi.
Dessin @ Hyde Omega
 
FINAL FANTASY 7 (Playstation)
Clairement l’un des meilleurs jeux de l’histoire et je me souviens surtout de cet écran après la cinématique de fin. Un genre de bilan. « Vous avez fini le jeu en 112 h ». 1-1-2 heures ??? No kidding. Get a life, moi-même.


TEENAGE MUTANT NINJA TURTLES (NES)
Le cauchemar de toute une génération. Le mec qui a mis la fin sur Youtube a brisé un tabou du gaming. Merci à lui.


 
TETRIS (Game Boy)
Sans rire les mecs ? Encore un niveau ? Ca me rappelle Wayne’s World, où Noé Vanderhoff parle de Xantar, un jeu infinissable pour que les kids allongent les billets dans ses salles d’arcade. Tétris est aussi touché du syndrome Questions pour un champion : tu galères pendant des plombes et à la fin, tu as quoi ? Une fusée plus ou moins grosse qui décolle mollement.
RICK DANGEROUS 2 (Amstrad CPC)
C’était un très bon jeu à l’époque. Mais surtout, c’est la première fois que j’apprenais qu’un jeu avait une ... comment dire ... fin.


DEMOLITION DERBY (Atari ST)
La nemesis du précédent. Tu cramais des caisses et n’en avais rien à tamponner de où ça pouvait mener. D’ailleurs comment imaginer que ce jeu pourrait avoir une fin ?

 
MANIAC MANSION (Atari ST)
On en a déjà parlé >> ici. Le premier jeu à avoir des fins alternatives selon les personnages que tu choisissais. Le but n’était pas de le finir, mais bien de le finir avec tout le monde.
L’enchaînement RESIDENT EVIL / METAL GEAR SOLID (Playstation)
Le virus et le vaccin. D’un côté, exploser des têtes au fusil à pompe, de l’autre, la jouer discret et finir un jeu sans tirer un seul coup de feu. Pure schizophrénie pixellisée.

 
GHOSTS’N GOBLINS (NES)
Il y a un blog qui répertorie les écrans techniquement infaisables. A l’époque, ton chevalier avait difficilement 3 choix de direction et il envoyait ses lances à une fréquence modérée. Alors comment battre ces 17 goules  sans espérer un lag salvateur ?



DRAGON’S LAIR (Arcade)
Dans les salles d’arcade, ce jeu était toujours au centre. La star du joystick. C’était en fait un dessin animé Disney interactif. Il fallait appuyer exactement au bon moment, et tu mourrais donc toutes les 5 secondes. Comme dit ce mec sur Youtube : « never finished it and it cost me a shit load. »
 

N’importe quel GUITAR HERO avec un kid (Playstation 2)
Holy shit ! Jouer à ce jeu avec un kid peut mener à de la pure misanthropie. Tu prends ton pied sur un bon vieux classic rock et le gamin prend la guitare et explose ton score. En ne bougeant que les doigts ... regard vide ... l’émotion d’un répliquant. Une pub parfaite pour la contraception.




mardi 3 janvier 2012

RED FANG : revenge of the nerds


Des rednecks, de la bière, de l’humour nerd. RED FANG donne l’impression d’un mash-up entre « Sheriff, fais moi peur » et « Wayne’s World ». Sous des aspects primitifs, le groupe est pourtant surprenant. La mini-nébuleuse est complétée par Whitey McConnaughy qui tourne les clips et le roadie Chris Coyle, qui a compris avec le plus grand humour les possibilités offertes par les réseaux sociaux. Sans problème le blog le plus fun de l’industrie rock actuelle.
Je rencontre John Sherman (batterie) et Bryan Giles (voix/guitare) juste après la sortie de leur second LP, « Murder the Mountains ». L’orga du Hellfest les avait étrangement programmé en fin de matinée.

All photos @ Louise Dehaye


Ca fait quoi de jouer à midi ? On dirait une boum à la garderie ?
John Sherman : pour nous, c’est comme jouer à minuit en fait, parce qu’on est venus direct et on n’a pas eu la chance de dormir. On a remballé le show hier soir, on est montés dans le van, on a déballé, on s’est branchés et on a joué direct ici. Pour être honnête, je ne sais même pas quelle heure il peut bien être. En fait, il y avait des tonnes de gens quand on s'est mis à jouer, donc peu importe quelle heure il était. On aurait regardé l’horloge si personne ne s’était pointé.
Pourquoi « Murder the mountains » ? Vous préférez les vallées ?
John : J’adore les montagnes. Je suis désolé de ce titre.
Bryan : Ca vient d’une chanson qu’on avait écrite il y a longtemps. Il n’y a pas vraiment de sens profond, tu peux t’en douter. Ca donne juste l’humeur de l’album. C’était pour faire flipper les gens. On n’est pas des penseurs très performants, tu sais.



Parlez moi de la pochette.
John : C’est Orion Landau, un super gars qui a bossé sur la pochette. Je regardais ce film, Queen of Blood, un film d’horreur sci-fi des années 60 avec Dennis Hopper. Et pendant les crédits du film, il y avait ce style dingue d’artwork abstrait, à la fois flippant et psychédélique.
Bryan : Comme un bad trip à l’acide.
John : Exactement, comme un mauvais trip d’acide. Et j’ai donc envoyé à Orion ce truc en lui demandant un truc dans le même genre. Bon, il a fait un truc complètement différent, mais il a gardé l’esprit. Bizarre, psychédélique et mountain-shit.
Bryan : Je ne sais même pas où il a pu aller chercher un truc pareil, merde.
John : Peu importe de quelle partie de son cerveau ce truc vient, je ne veux jamais aller là-bas.
Bryan : Je m’inquiète pour ce mec.


 
Sur ce disque, vous avez bossé avec des gens qui n’ont pas uniquement bossé sur des sons heavy et qui viennent même du circuit hipster.
Bryan : Tu viens juste de parler de ‘hipster circus’ ?
Je veux dire, tu sais, Pitchfork et tout ça.
Bryan : Ah merde, ‘hipster circuit’. Oh mec, ‘hipster circus’ ça aurait été génial. Oh yeah.
Vous étiez inquiets de la réaction des fans  en choisissant Chris Funk pour produire le disque ?
John : Oh non. C’est lui qui nous a approché. On s’est aperçus qu’il comprenait vraiment la musique heavy et ce qu’on essayait de faire.
Bryan : Je dois avouer que ça m’a un peu rendu nerveux au départ. Il était d’un autre milieu, et quand il a proposé ses services, ça n’avait pas vraiment de sens pour moi. Mais quand on l’a rencontré, il a paru évident que son approche de la musique allait bien au-delà de son image de base. Et dude, je te jure, il shredde. En studio, on essayait des sons différents et il a sorti des solos hallucinants. C’est un guitariste incroyable.
John : C’est un mec cool. Vraiment facile à vivre. C’était agréable de travailler avec lui.
Il y a un son très ‘live’ sur ce disque. C’était pour protester contre pro-tools, auto-tune et tous ces trucs qui tuent les enregistrements actuels ?
Bryan : On a utilisé des bandes.
John : On a enregistré la base des morceaux sur bande ouais. Les voix notamment.
Bryan : Mais on s’est retrouvés à court de pistes. On a utilisé tellement de tranches pour les guitares. Peut-être cinq pour chaque guitare, sans même parler de la basse. On a débordé de la table, et on a du avoir recours au digital pour tout caser. Ce n’est donc pas une revendication contre le truc, on a utilisé les deux. Mais je crois vraiment que le problème avec les enregistrements purement digitaux, c’est qu’il n’y a jamais de fin. Tu peux toujours ajouter un truc supplémentaire. « Oh, j’ai vraiment besoin d’un accordéon là-dessus. » Non mec, t’as pas besoin d’un accordéon. Ce n’est pas parce que tu peux le faire que tu dois le faire. Si tu enlèves ce truc de savoir où est le point final, ça ne peut être que négatif. Tu ne peux que perdre le sentiment d’origine de ta chanson. Ces morceaux sont pensées pour être jouées live, pas pour briller sur disque.
John : C’est vraiment du ‘plug and play’. On est un groupe très simple. Sur ce disque, on a du faire quelques trucs inhabituels, comme des overdubs et des trucs du style. Mais notre exigence a été de garder les compos assez basiques pour qu’on puisse les jouer telles quelles sur scène.
Bryan : Je pense que ces couches d’instrumentation supplémentaire apportent vraiment aux morceaux. Elles ont été gardées au fond du mix – j’y tenais particulièrement. Le principal était de rester un groupe de quatre personnes. On ne va pas virer contemporain, orchestral ou quoi que ce soit. Il faut que ça reste fun à écouter.



La principale différence entre les deux albums semble être le songwriting. Vous avez changé quelque chose ?
John : Non. Certaines chansons du nouvel album ont été écrites avant d’autres chansons qui se trouvaient sur le premier album. Il consistait en fait de deux EPs collés ensemble, plus une chanson supplémentaire : trois enregistrements distincts. Alors que pour celui-là, on a enregistré 17 chansons d’un coup, mixé seulement 14 et sélectionné les 10 qui nous semblaient le mieux coller ensemble. Pour moi, ça sonne de façon beaucoup plus fluide.
Bryan : Il y a aussi que le songwriting est aujourd’hui plus collégial. A l’époque du premier disque, c’était plus une seule personne qui se ramenait avec des parties déjà écrites et le chant définitif. Maintenant, nous avons tous notre mot à dire sur la direction que prend chaque compo. Ca a ralenti tout le processus du songwriting. Je vais te dire, c’est un beau bordel d’écrire un morceau maintenant ah ah. Mais le vrai bon truc, c’est que quand la chanson est terminée, on est TOUS convaincus que c’est du bon matos.
Vous avez l’air de rednecks mais je pense que vous êtes des gros nerds en fait. Le ‘Red Fang’ est un vaisseau dans Star Wars.
Bryan : Nous n’en avions aucune idée.
Dans le clip de ‘Prehistoric Dog’, il y a des références aux jeux de rôles et vous vous foutez bien de la gueule de Gandalf.
Bryan : On se fout bien de la gueule d’un ado qui voudrait ressembler à Gandalf. Si je rencontrais vraiment Gandalf, je chercherais pas la merde. Tu sais, la magie, tout ça.
John : On est des gros nerds ouais.
Bryan : Mais je ne pense pas qu’on ait l’air de rednecks.
John : Comme tu vois, on ne réfléchit pas trop à quoi on a l’air.
Bryan : On devrait certainement y réfléchir davantage.
John : Si on voulait avoir plus de succès, il faudrait probablement se pencher sérieusement là-dessus.
Dans cette vidéo, quand vous êtes dans une voiture, enterrés dans des canettes de bière, vous jouez sur cette image quand même.
Bryan : Si on buvait autant que des vrais rednecks, on serait horriblement malades.




C’est quoi votre truc dans la culture nerd ?
John : On adore jouer au scrabble.
Bryan : On n’est clairement pas des sportifs, ok.
Damn, je m’embrouille toujours parce que ‘nerds’ et ‘geeks’ n’ont pas les mêmes sens en français et en américain.
John : Quelle est la différence ?
Geeks, c’est les binocleux sur leurs ordinateurs. Nerds, c’est tout ce qui est pop culture : Star Wars, Star Trek, tous ces trucs.
Bryan : A l’origine, on appelait ‘geeks’ les mecs qui arrachaient des têtes de poulet avec les dents dans les cirques.
John : On ne fait pas ça nous.
Bryan : Les ‘circus geeks’ faisaient des trucs plutôt morbides pendant les intermèdes entre les numéros.
John : J’aime vraiment la science-fiction. Battlestar Galactica, terrible.
Bryan : Mon film préféré : Blade Runner, mec.
John : J’aime aussi toutes ces conneries d’heroic fantasy.
C’est difficile d’être fun sans tomber dans le comedy band ?
Bryan : Je pense qu’on a un sens de l’humour particulier. Je peux balancer une blague sur cette tournée européenne et vivre un bide intégral.
John : Tes blagues encaissent mal la traduction.
Bryan : Je crois que c’est tout mon sens de l’humour qui vit mal la traduction.
John : On prend notre musique très au sérieux, mais on ne se prend pas nous mêmes très au sérieux. C’est donc plutôt facile de tomber dans l’autodérision. Hey, tout le monde est stupide, on est des nerds, on passe pour des rednecks. Qui s’en tamponne? On est relax. Quand on voit tous ces groupes qui se prennent très au sérieux, ça nous semble demander beaucoup trop d’efforts. On est beaucoup trop feignants pour se prendre au sérieux.
Bryan : Si tu es dans l’autodérision, tu prends de vitesse tous les gars qui veulent se foutre de ta gueule. ‘Hey mec, je l’ai déjà fait et je suis allé bien plus loin que toi. Alors sens toi libre d’essayer de me rabaisser si t’as du temps à perdre.’




A mon sens, vous avez beaucoup en commun avec TAD, le groupe affilié à la scène de Seattle.
John : Tad Doyle a un t-shirt Red Fang.
Bryan : Je l’ai croisé devant une salle où on jouait il y a pas longtemps. J’ai voulu l’inviter mais il a refusé et est parti payer son ticket. Il est ce genre de mec cool. Il tient à soutenir la musique live. Ce mec mériterait pourtant de ne plus payer la moindre entrée de toute sa vie.
C’est une comparaison qui vous semble naturelle ?
John : On vient de Portland. On est de la même région pluvieuse et grisâtre. Un truc propice à la musique heavy.
Bryan : On essaie d’être cools. Comme Tad est cool.
John : Je n’essaie pas d’être cool.
Bryan : Oh mec, t’es vraiment cool.
John : I’m « true » being cool, comme disait Devo (jeu de mot sur ‘through being cool’). Tu vois, un autre groupe nerd vraiment cool, Devo.




Dans le clip pour le nouveau single ‘Wires’, vous recevez un chèque de 5000 $ et le dépensez jusqu’au dernier centime. Quel est le message ? Vous voulez dire à Relapse (le label) que vous n’avez pas dépassé le budget ?
Bryan : Ouais voilà, ‘hey les mecs, on sait respecter un budget, faites nous confiance’.
John : Je pense qu’on ne peut tirer aucun message valable de cette vidéo ah ah. C’était du genre, on est fauchés et on reçoit un gros chèque. On s’est tellement éclatés avec qu’on a oublié de faire une vidéo. C’est le même gars qui a fait les deux vidéos. Un génie. Et un mec vraiment marrant. C’est un pote à nous et ce serait vraiment dur maintenant de faire des vidéos avec quelqu’un d’autre.