vendredi 30 juillet 2010

Friet Museum

Chronique du Power Festival, Belgique


C’est marrant comme des fois, deux processus s’entrechoquent, alors qu’à l’origine ils n’ont rien à faire ensemble.

Depuis presque dix ans, je me suis juré d’essayer un jour la méthode d’écriture de William Burroughs. Le Cut-Up. Ecrire un texte, le découper et le réécrire en changeant l’ordre des séquences. S’ouvrir de nouvelles perspectives, casser les codes.

Le fait que je me sois tenu de le faire enfin le jour où je rédige un blog très modeste sur ma virée thrash et stoner en Belgique est dommageable, complètement inadapté sous quasiment tous les aspects. J’en suis conscient et je vais le faire quand même. Insouciance adolescente vs. Inconscience punk.




Au programme, Brant Bjork à La Louvière le mercredi et Municipal Waste à Bruxelles le samedi.


« Je préférerai toujours sortir 50 albums moyens que 5 chefs d’œuvre sur lesquels j’aurais bossé des années. »



La Louvière, Belgique. Un jour de fête nationale. Festival gratuit. Un assortiment de punk, rockab, voisins, (très) jeunes et (très) vieux. Le Powerfestival a en fait un faux air de kermesse de fin d’année 1972. Un truc me tiraille toute la journée : c’est insensé que Brant Bjork soit tête d’affiche ici. Mon pragmatisme me l’impose mais mon cerveau n’arrive pas à faire le lien.


La Voix du Nord accorde un encadré à un fait divers d’une vieille dame de Stockholm retrouvée morte à son domicile avec 193 chats… et rappelle une loi suédoise : un même foyer ne peut posséder plus de neuf chats. Euthanasie pour 184 d’entre eux.


Autour d’une bière, on rencontre Antonio, un vieux belge qui a 48550 vinyles, mais que sa femme a largué. Il nous expliquera le chemin de l’un à l’autre en 5 gorgées.


On s’adonne à un jeu de pistes improbable pour retrouver DEAD ELVIS à sa descente de scène. J’aimerais bien l’interviewer rapido, mais ce one-man band entre le King, Hasil adkins et les Cramps joue avec un masque de zombie en latex. Retrouver un mec seul que personne-n’a-vu-car-il-porte-son-masque-et-que-tu-comprends-bon-quoi … KISS devait être le groupe le plus heureux des années 70.


Pas chère cette chambre de Formule 1 dans la zone portuaire de Zeebrugge. Chouette vue en plus.


Un quartier entier est fermé pour assurer le festival, dans ce Notting Gulch wallon. Toujours plus de vautours que de têtes de bétail et on doit côtoyer les 80 % de chômage.


Manger de la fricadelle assis face à la mer du nord à Ostende, ça relève du top cool, mais … qu’est qu’ils y mettent dans la fricadelle ? C’est un met « incertain ». Vivement une connection wifi pour me tranquilliser.




Pendant l’interview, un détail me crispe. Brant Bjork porte un t-shirt Blue Oyster Cult. Pendant les essais de son avant de monter sur scène, je note quand même que son crew passe ‘Rock and Roll Over’ de KISS en entier sur la sono. Deux fois de suite. Oui, même ‘Hard Luck Woman’. Un acte de foi rare.


Aussi sur l’affiche, le stoner des calaisiens de Zoé (http://www.myspace.com/zoestonerrockband2 ), du Kyuss joué par Skid Row. Ramon Zarate (http://www.myspace.com/ramonzarateband ), du stoner sérieux influencé par Dozer ou Alabama Thunder Pussy. Speedball Jr, de la surf traumatisée par Dick Dale mais avec la classe d’un Hammond vraiment bien pensé et du Powersolo dans l’attitude (http://www.myspace.com/speedballjr ). Enfin, Justin(e) qui affiche sur son merch « Groupe de merde en concert de merde dans ta ville de merde ». Cette clairvoyance crée l’empathie nécessaire pour ne pas s’étaler dans la destruction critique. De l’alterno-punk à chien français, mais une chanson sur Jean-Claude Suaudeau et le jeu à une touche de balle. Alors bon… (http://www.myspace.com/justinepunkrock )


Le 21 juillet, c’est la fête nationale belge, dis donc. Et dire que pendant une heure, on a mis les magasins fermés sur le compte de la crise. Le poncif wallon, j’imagine.


Fricadelles
Ingrédients (pour 6 personnes) :
- 2 oignons
- 10 g de beurre
- 4 pommes de terre
- 1 oeuf
- 500 g de restes de viande
- persil et cerfeuil hachés
- sel, poivre, muscade
- farine
- 2 ou 3 cuillères à soupe de graisse (beurre, huile, saindoux, margarine...)


Banane Metalik

(666% Gore n’roll)

- 50 % Cramps

- 50 % Misfits

- 6 maquillages de zombies

- le plus gros public du festival

- le plus mauvais son du festival

- gore super cheap mais très sérieux

Je sais que je vais prendre pas mal de spécialistes sur le rable, mais ce show était inécoutable. Pourtant j’apprécie vraiment le psychobilly, je pense juste que Banane Metalik a plus de sens dans un club où sa prestation ne se dilue pas dans les commandes de bière des bars latéraux et dans une sono de bingo dominical.

- Ah, mais c’est encore la fête nationale ?

- Non non, on ferrrme tous les jourrrs à 18 heurrres.

La virée est aussi l’occasion de découvrir l’équivalent wallon de nos Pastors of Muppets. Les Moonshine Playboys viennent du « bayou sulfureux d’Anderlecht » et jouent des classiques dans un monostyle de bluegrass white trash qui rappelle « O’Brother where are thou ? », mais avec l’accent belge quoi. Ca enchaîne « Fight for your right to party », « Anarchy in the UK » et « Voodoo Chile » et l’assistance prend un air de blind-test en s’aidant souvent des seules paroles. http://www.myspace.com/themoonshineplayboys



Il est 23 heures. Antonio danse du madison sur Brant Bjork. Je ne sais pas si je dois y voir un profond chagrin ou un amour intact de la musique.

Uncommon Men From Mars. 14 ans again ! Un groupe teenager depuis qu’ils sont teenagers, ce qui équivaut maintenant plus ou moins à l’âge d’un authentique teenager. Pendant le concert, un coup de génie absolu avec ce mec qui tente un slam en se jetant de la scène alors que le gros du pit est composé de 3 personnes. J’allais dire que le show était « marrant », mais justement, le groupe ne prend jamais le risque d’être « marrant ». C’est un peu la différence qu’explique Robert Downey Jr. à Ben Stiller dans « Tonnerre sous les Tropiques ».

A Bruxelles, un français qui vit au Japon et qui bosse en Belgique nous dit qu’on ne le laisse pas tranquille. Il peut faire couler la moitié de l’élite avec ce qu’il sait d’affaires criminelles ou d’extorsion de fonds. Il nous expose aussi sa théorie à propos des fausses infos sur les bouchons de départ en vacances, balancées dans les médias : l’absence de ce marronnier de l’été déprimerait les français, mais les bouchons ont disparu dans dix années de récession.

« It’s Ok if you’re drunk because I am too ». Brant Bjork et son killer band (bien meilleur que tous les Bros et Operators) sont de toute évidence bien cuits, mais le set s’en trouve encore plus laid-back que d’habitude. Ca sent la fin de tournée, un peu la mélancolie, et les jams s’étirent et vont régulièrement dans le rouge du Vumètre. Moins axé sur le format chanson qu’au Hellfest, mais un super concert de potes.



Re: Interview Municipal Waste - Brussels

Vendredi 23 juillet 2010 17h14

De: "Talita"

À: "Arnaud d'Armagnac"

Tour is cancelled.



mardi 27 juillet 2010

Les Feux de l’Amour (expliqués par ma grand-mère)

Publié dans Trente Trois Tours - Mars 2006

Qui n’est jamais tombé sur les Feux de l’Amour en prenant son café ? Et qui n’est pas resté devant sa télé, l’œil vide, à essayer de comprendre quelque chose ? Un jour, mon œil s’est éclairé et j’ai voulu comprendre, pour moi, pour vous, pour nous.
Face à moi, Marie-Madeleine, ma grand-mère.



Les Feux de l’Amour sont un phénomène, ça, personne n’en doute : la moitié des télés allumées à 13h35 le sont pour la série. Feux, déclinez votre identité, je vous prie : 33 années d’existence, plus de 8250 épisodes, 41 mariages, 21 divorces, 33 décès, une trentaine de naissances, 29700 bouquets de fleurs et une bonne vingtaine de palettes de vodka pour la seule Nikki et son foie mutant. Jusque là, je suis. 180 rôles titres en tout ? Plus que Tolstoï n’a pu en caser dans Anna Karenine. Ca se corse. Mais qui est important dans le tas ? « Ils sont tous importants ». Wow. Mais le moustachu là ? « Ah, Victor, ça a été l’amant de toutes les femmes d’Amérique certainement. » Mais aussi Nikki, l’alcoolique repentie (pourtant, on était disposés à se montrer tolérants, ça devait venir de la lecture du script), et puis Brad, Gil... Arf !



Ce qui me chiffonne à vrai dire… Pourquoi les gens regardent tous les jours ce roman de gare ? « C’est pas terrible-terrible». Oh !? Moi qui m’attendais à trouver une fan transie d’émotion, les yeux s’éclairant à chaque évocation de la saga. « Y a rien à la télé à la même heure, t’es marrant. » Retour instantané au jour de mes 12 ans, je vais me faire engueuler. « Ce sont les vieux qui regardent ça, ils en profitent pour dormir devant la télé et quand ils se réveillent, ils comprennent encore. » Ah oui, l’intrigue, tiens. Alors, soyons honnêtes, l’intrigue du moment. J’imagine bien qu’après 33 ans d’antenne, je ne peux plus refaire mon retard. Amour, haine, complots, secrets, mariages, divorces, liaisons, naissances légitimes, naissances illégitimes à Genoa City (Genoa City ???). En gros, sous le couvert de la concurrence entre de grosses entreprises, les gens passent leur temps à boire des drinks et à se parler le dos tourné, sautant de discussions profondes en discussions abyssales. Puis, ma grand-mère trouve la clé : « les personnages restent, mais les acteurs changent des fois » et « TF1, ils sautent des épisodes souvent ». Comprendre est-il donc impossible ? « Toutes les familles se mélangent, j’arrive à un point où je ne comprends plus rien. » Ma grand-mère, qui regarde les Feux de l’Amour tous les jours, n’y comprend rien… Je retourne l’œil vide à mon café.

jeudi 15 juillet 2010

TURBONEGRO R.I.P

WASTED AGAIN



Ca traînait dans les tuyaux depuis un certain temps, c’est désormais officiel. Turbonegro is Dead ! Again. Chris Summers viré en 2007, Rune Rebellion avait laché sa guitare après la tournée de trop, loin de chez lui. Il y a eu le hiatus imposé par la maladie d’Euroboy, et Hank … on ne sait pas trop. Il y a eu ce rôle chronophage dans le Jesus Christ Superstar scandinave, ces rumeurs de désintox et d’autres à propos de la scientologie. Peu importe au fond, c’est lui qui a jeté l’éponge. Rien à voir avec le split plein de drama-cheap dans les backstages d’un hôpital psychiatrique italien comme en 1998. Ce split-là est raisonné. Et on a presque envie que ça reste ainsi. Pas seulement parce que ‘Retox’ (dernier album, 2007) était en dessous et sentait l’épuisement collectif, mais aussi parce que c’est un gang, une histoire de personnalités. Les départs récents étaient déjà beaucoup, le remplacement de Hank rangerait TRBNGR dans le tiroir des groupes comme les autres.

Au lieu d’écrire une hagiographie en règle, je préfère déterrer un des éléments essentiels de la discographie des Denim boys. Le clin d’œil aux autres groupes, comme des Marx Brothers qui rendraient un hommage plein de malice à leurs influences, à la manière d’un Tarantino qui accumule les références à longueur de pellicule. Plus que de la copie éhontée (cf. Airbourne), le processus faisait partie de la logique Turbo, gravé dans leur ADN de punk pals. Le tout baigné dans un underground norvégien qui respire le cool poisseux.
L’hommage par l’hommage.




Le riff de GET IT ON est doublement piqué à deux des références les plus marquées de TRBNGR. Les Dictators dans « the next big thing » et les Ramones dans « I just want to have something to do ». En plus de rappeler l’attachement au punk new-yorkais du groupe, le « Go Girl Crazy » (1975) des premiers auraient très bien pu être un album de Turbonegro. La recette est déjà là : un ancien catcheur extraverti au micro, un guitar héro ironique (Ross the Boss qui créera un peu plus tard Manowar… et qui laisse donc espérer qu’il y a du second degré dans ce truc) et un bassiste qui chapeaute le tout.
SELL YOUR BODY (TO THE NIGHT), avec une intro mimant note pour note le « Penetration » des Stooges.
WASTED AGAIN avec son solo dont les premières notes rappellent celui de « Freebird » de Lynyrd Skynyrd. Un clin d’œil de guitar-hero à l’ancienne, tant ce solo est une référence du classic rock 70s.
BLACK RABBIT est un genre de négation pure de l’hymne hippie du Jefferson Airplane, « White Rabbit ».
Les premiers visuels de T-shirts et l’apparence d’Happy Tom sont une référence directe au travail de Tom of Finland, dans la lignée super gay d’un Mapplethorpe.





Le titre « midnight NAMBLA » est une référence au « midnight rambler » des Rolling Stones. NAMBLA est l’acronyme pour « North American Man/Boy Love Association ». Le groupe a fait d’autres clins d’œil aux Stones, comme le split 10 ‘’ de 1995, « Stinky Fingers » qui pousse le subversif encore un peu plus loin que le « Sticky Fingers » original.

PRINCE OF THE RODEO
est une multi-référence à Motörhead. L’intro de batterie rappelle bien sûr « Overkill », et la phrase ‘Don’t forget the clown’ juste avant le solo rappelle le ‘Don’t forget the joker ‘ au même endroit dans « Ace of Spades ».

L’intro de AGE OF PAMPARIUS est un quasi best-of de la chanson d’AC/DC, « For those about to rock ».

La pochette de l’album « ASS COBRA» est une référence à celle de Pet Sounds des Beach Boys.





CITY OF SATAN copie les paroles du « Atlantic City » de Bruce Springsteen, sur son album suicide Nebraska.
'Put your make up on, make your hair real pretty
And meet me tonight down in Satan's city'





La logique des fan-clubs , les TURBOJUGENDS, est tirée de la KISS Army, mais aussi apparemment inspirée de Frank Zappa.
Euroboy : « On voyait que KISS avait la KISS Army and on pensait que Turbonegro devait avoir sa propre Navy. Ca a démarré comme une blague dans l’appart de Happy Tom. On a commencé à mettre son adresse sur les pochettes de disque, et ça a dérapé en quelque chose de bien plus gros que ce à quoi on s’attendait. »
Happy Tom : « Frank Zappa avait ce truc où il tenait à disposition de ses groupies des trophées « Fucked by Frank Zappa ». C’est en repensant à ça au milieu des 90s qu’on a fait un diplôme « Member of Turbojugend ». C’était une blague. Maintenant ça s’est transformé en ce monstre à la Frankenstein, complètement hors de contrôle, partout dans le monde. Kiss a une armée, on a une Navy. Il y a tellement de membres maintenant qu’on pense sérieusement à envahir un pays européen de taille moyenne. Ce pourrait bien être la Belgique. »