dimanche 10 février 2013

THE BRONX : they will kill us without mercy


Le chanteur Matt Caughtran ne triche pas. Alors que the Bronx retournait la Mainstage du dernier Hellfest en plein après-midi, le gars a sauté dans le public chauffé à blanc et a calmé tout le monde parce qu’il était bien plus cinglé que quiconque. Un gars de la sécurité l’a suivi et lui a demandé deux fois de revenir, mais il a gagné et le mec sain d’esprit a fait demi-tour en laissant le chanteur au milieu. Un nom de groupe pas usurpé donc. Il y a même des points de ressemblance dans l’intégrité avec Black Flag qu’ils interprétaient dans le biopic sur les Germs.
Aussi posé, réfléchi et sûr de son propos dans cette interview backstage que dur au mal sur scène, Matt Caughtran nous parle du nouvel album, de la rédemption mariachi et des étiquettes musicales.

> Interview publiée dans ABUS DANGEREUX # 126

> Photos par Nicolas Fontas 


Bronx 4, le nouvel album, sort ces jours ci. Ca sonne comment ? (NdR : ok ça sonne bizarre comme question, mais la news n’était pas sortie dans la presse avant qu’on ne me l’apprenne juste avant l’interview)
Ca sonne vraiment comme un disque de the Bronx. C’est le plus abouti de nos disques, dans le bon sens du terme. On a réussi à garder l’attitude et la ligne punk des vieux albums. Il y a la même agressivité, le même côté sombre. Il vient après deux disques d’El Bronx Mariachi (NdR : les mêmes membres jouent dans un projet mariachi totalement indépendant de leur projet principal au niveau créatif) et cette session studio était la première fois depuis longtemps où nous étions tous au même endroit, à pouvoir nous concentrer seulement sur la musique. Je pense que ça sonne comme si on tirait tous dans le même sens, très concentrés sur ce qu’on voulait faire. Ca me semble être le plus grand contraste avec l’album précédent.
Bronx 3 a déjà cinq ans et on s’attend de toute façon à ce que ce soit foncièrement différent.
Il n’a rien à voir non. Pour moi ça sonne uniquement comme notre prochain album. On a bossé dur. Peu importe qu’il marche ou pas, on est fiers de ce qu’on a fait. On en avait marre de faire des concessions, de faire un millier de prises ou une tonne d’arrangements juste parce qu’on « devait » le faire. Sur celui-là, on s’est surtout concentrés sur le fait d’écrire de bonnes chansons, les jouer de la façon la plus authentique possible. 


L’an dernier, pas mal de gens présents étaient d’accord pour dire que vous aviez été un des meilleurs concerts du Hellfest. Sur le moment même, le terme qui m’était venu naturellement à l’esprit pour décrire le truc, c’était « punk ». Et finalement ça fait longtemps que personne n’a plus trouvé que quelque chose était authentiquement « punk », dans le sens premier. Tu es un peu déçu que ce mot soit dévoyé et repris par le mainstream ? Il a été coupé de ses racines et c’est ironiquement devenu un terme marketing.
Non à vrai dire, je m’en tamponne. Je ne me suis jamais posé ce genre de question. Bien sûr, je me considère comme « punk » si je devais coller un terme sur l’esprit qui m’habite, mais je n’ai jamais été très fan des étiquettes. Tu ne peux pas toujours définir une émotion par un terme précis. Les problèmes apparaissent dès que tu prononces le truc. L’underground est en constant mouvement. Les gens qui aiment la musique indépendante, et le punk, doivent continuer à aller dénicher les groupes qui font quelque chose d’original, qui sont investis. C’est l’esprit. Il y a des wagons de groupes à la TV qui se disent punk parce qu’ils jouent de la guitare et sautent en l’air. C’est la minuscule partie apparente de l’iceberg. Tu apprécies la musique et l’art, alors c’est ton job de creuser et de découvrir le truc qui va te convenir parfaitement. Tu ne peux pas te plaindre de l’importance du mainstream si tu ne vois pas qu’il y a tant de choses qui ne le sont pas.



Vous avez ce projet El Bronx Mariachi qui n’est pas toujours bien compris par votre fanbase hardcore. Ca vous rend schizophrènes d’aller de l’un à l’autre ?
Ah ah, parfois un peu. L’idée recoupe ce dont on parlait tout à l’heure. Peu importe à quel point une idée semble dépasser les limites, il y a toujours une fin, un plafond. Le punk peut donner cette impression parfois. Quand on a commencé ce groupe au lycée, on ne pensait pas à ce genre de choses. Mais à l’époque où on a créé El Mariachi Bronx, the Bronx était rôdé et la vraie question était : « Où on va après ? Qu’est ce qu’on va pouvoir faire pour garder l’excitation intacte ? » On était dans un bordel gigantesque. Nous n’avions plus de manager, nous n’avions pas d’argent, pas de label. Que  faire ? Alors on est rentrés dans cette retenue qui commence à détruire ce que tu aimes le plus, créer de la musique. C’est un scénario extrêmement frustrant. On glandait pas mal et on a fait quelques démos mariachi pour passer le temps. Et après un temps, ça ressemblait de plus en plus à une issue de secours qui nous permettait de nous évader de cette situation irrespirable. On s’est dit qu’on allait donner du temps à ce projet car c’était vraiment excitant. Donc pourquoi mettre tout ça dans un placard ? Tu es sensé rechercher ce type d’inspiration. Il y a un deuxième effet à ça : cette digression a laissé The Bronx se reposer et quand on est revenus, c’était comme si le groupe venait de naître. On était excités de pouvoir brancher les guitares, jouer fort et dur. Je crois donc que les deux projets sont comme des vases communicants, ils instillent chacun de la vie à l’autre et lui redonne de l’énergie. Ca nous permet de garder de la fraîcheur. Avoir deux groupes, ça nous permet en fait de les garder tous les deux vivants. Il y a eu ce moment où c’était soit devenir schizophrène comme tu disais, soit tout arrêter.
C’est aussi un moyen de dire quelque chose de différent ? Car vous tournez avec d’autres groupes, devant un autre public et dans un autre milieu.
Oui. On n’est d’aucune façon un gros groupe. On dédie simplement notre temps à ce qu’on fait. Une fois que tu as passé ce cap, tu veux laisser la plus grande empreinte possible. Tu veux sortir le plus de disques qu’il te sera possible de sortir. L’idée c’est que si ta vie doit être dans la musique, alors vas-y à fond. On va la jouer mariachi, voir des lieux différents, un public différent, jouer avec des groupes différents, regarder comment ce chanteur s’y prend de son côté... On n’est pas coincés dans un genre. Peu importe ce qui sortait de ce truc, on était juste excités de créer quelque chose.



  C’était cool d’être Black Flag dans le film What We Do Is Secret ?
Ah ah oui c’était incroyable. C’était marrant aussi, surtout pour moi, parce que je ne ressemble absolument pas à Henry Rollins. Greg, Dez ... ok peu importe, ils sont dans le fond, mais Rollins ah ah. Le film est ok et ça a surtout été le début de notre amitié avec Pat Smear (NdR : Germs, Nirvana, Foo Fighters). Après ça, the Bronx a ouvert pour les Foo Fighters et on a toujours une relation solide aujourd’hui avec lui. C’est un super mec.
 
 


Ce n’est pas étrange pour un groupe radical comme vous de tourner avec les Foo Fighters ou aujourd’hui les Hives ? Vous êtes plus implantés dans l’underground.
Oui, on doit arrondir les angles, c’est sûr. On a arpenté les petits clubs underground et on va continuer à le faire car on adore ça. Mais personne ne veut se limiter, tu veux aussi vivre l’expérience au dessus. On te propose de tourner dans les stades ? Je suis d’accord pour essayer tant que l’intégrité artistique de mon groupe n’est pas remise en cause. Les Foo Fighters ont été vraiment sympas avec nous et surtout, ils nous ont montré un respect incroyable. Une vraie expérience commune, loin des trips de première partie habituels. On a aussi refusé des offres de tournées énormes juste parce que ça ne nous correspondait pas. Toutes nos décisions viennent des tripes. Tu as envie de le faire ? Ca ne remet pas en cause ce en quoi tu crois ? Alors monte dans ce bus et fais le à fond.