mercredi 22 avril 2009

Interview des BLACK ANGELS

Interview réalisée le 5 décembre 2008, à Bordeaux.
Parution dans Abus Dangereux n°109
Photos par Louise Dehaye



THE BLACK ANGELS
Lone-Star Psychedelia
Ca y est, le psych-rock connaît un retour de vague, après la hype passagère dûe au film d’Ondi Timoner, Dig ! en 2004. A l’époque, quelques groupes s’étaient enfilés dans le sillage du Brian Jonestown Massacre, groupe devenu à la fois indispensable aux indés pur jus et irrémédiablement mainstream en 2h de film. Le phénomène était vite retombé et les magazines étaient vite passés au buzz suivant. Jusqu’à l’an dernier où un tas de groupes psych-rock sont sortis de l’underground comme des zombies dans un film de Romero, sans trop de bruit mais avec une sacrée dalle.
Il serait de toute façon injuste de prendre les Black Angels pour un énième groupe revival de psyché 60s. Les texans ont tout compris de l’art de la boucle hypnotique, ce qui les place en bonne place quelque part entre le premier Pink Floyd, leurs voisins d’Austin 13th Floor Elevators, Spacemen 3 et le stoner. Les références sont solides mais on sent dans ce collectif à substances une toute autre envie que celle de plagier des trucs vieux de 40 ans. Les Black Angels sont une entité, chacun passant d’un instrument à l’autre, au service des chansons et du collectif. Comme un Velvet Underground sans ego ou un Brian Jonestown Massacre pragmatique.
Rencontre avec Alex Maas (chanteur), Nate Ryan (basse) et Stephanie Bailey (batterie).



Deux albums en un an, deux succès. On a l’impression que c’est allé très vite pour vous. Comment en êtes vous arrivés là ?
Alex : Christian (Bland – guitariste) et moi, on s’est rencontrés en 1993. On est allés aux mêmes collège et lycée, à Seabrook, au Texas. On s’est perdus de vue, mais quand on s’est retrouvés après la fac, on a immédiatement commencé à jouer de la musique ensemble. Le premier groupe s’appelait the Black and Green Scarecrows. On a joué avec plus de 50 personnes différentes en 2 ans. On est devenus les Black Angels quand on a rencontré Stéphanie (Bailey – batterie).
Nate : Je suis allé les voir à un concert à Austin. J’ai remarqué qu’ils n’avaient pas de bassiste, alors je me suis proposé. Christian a refusé car il n’en voyait pas l’utilité. Quand ils sont repassés en concert, j’ai retenté ma chance et ils m’ont invité à faire un bœuf.
A : Et tu es toujours là… On est réunis tous les 5 depuis début 2006. Donc c’est vrai qu’on peut dire que c’est allé très vite.
Quand on habite à Austin, en plein coeur du Texas, comment en vient-on à jouer du psych-rock? Ce n’est pas vraiment ce qu’on joue chez vous, et dans cette région, il n’y a rien eu dans cette direction depuis les 13th Floor Elevator, dans les années 60.
Stephanie: Je crois juste que de plus en plus de groupes jouent du Psych-rock.
N: Aujourd’hui, c’est rare qu’il y ait un endroit particulier pour un style de musique. On joue juste une musique similaire que d’autres qui écoutent le même musique que nous, où qu’ils habitent.
A : Avec internet, c’est devenu plus facile. Le revival du psych rock s’est développé comme ça. Tout est plus rapide avec internet et des trucs comme MySpace . Tu n’as plus à te renseigner pendant des semaines sur les trucs qui te passionnent, et au niveau de la musique, internet rapproche très vite les gens qui jouent une musique similaire. Tu n’as plus à écumer tout un tas de magazines, tout va très vite.
Avec un nom comme le vôtre (Anges Noirs), avez-vous déjà eu des problèmes au Texas, ou plus globalement dans le Sud très croyant, la « Bible Belt » ?
N: J’ai quelques amis à l’église qui trouvent ça démoniaque. Mais en général, les gens que ça dérange ne nous écoutent pas, donc c’est relatif.
A : Mes grands-parents m’ont demandé comment s’appelait le groupe. Quand je leur ai dit, ils ont faire une grimace : « Erf ». Mais c’est vrai, Nate a raison, mes grands-parents nous écoutent assez peu. Si on voulait créer un vrai débat, on se serait appelés les « Fuck the Jesuses », un truc dans le genre.
Je crois que tout a été dit sur vos influences presumées (BJM, Brian Jones, les Doors, les Warlocks, Spacemen 3…). « Passover » (premier album) est le nom d’une chanson de Joy Division, Black Angels figure dans le nom d’une chanson du Velvet Underground, le titre « the Sniper at the Gates of Heaven » rappelle inévitablement Syd Barrett et Pink Floyd. Mais quelles sont les réelles influences du groupe ? Quels disques écoutez-vous quand vous rentrez à la maison ? Si vous n’aviez qu’un disque à garder…
A : Ce serait Old Time Relijun, un groupe de Portland signé sur K Records.
N : Roy Orbison « Crying », je ne m’en lasse jamais, aussi surprenant que ça puisse paraître. J’ai bien peur que ça ne t’aide pas au niveau de nos influences.
S : CAN … pas tout, mais j’ai comme une playlist très perso au sujet de ce groupe. Je m’en éloigne parfois, mais j’y reviens toujours.





Vous êtes le premier groupe depuis des années à sortir des “albums” au sens propre, dans une période où le mp3 et plus généralement les singles sont le truc qui cartonne. Vous en êtes conscients ? Est-ce simplement voulu ?
A: C’est difficile de décréter un single, de dire que telle chanson est meilleure qu’une autre. Tu écris un album en entier, tu bosses dur dessus, c’est un projet homogène. C’est vrai que les Beatles, par exemple, avait un single caché derrière chaque chanson. C’est une autre histoire.
N : On ne pense pas vraiment aux accroches, à tous les artifices qui font un single.
S : On écoute beaucoup de musique des années 60 et ça affecte sûrement notre façon de faire les choses, de penser notre propre musique et la voie à suivre.
A : On voit un album comme une pièce d’un seul morceau. Avoir un son fluide, des idées qui se tiennent, c’est secrètement un de mes buts.
S : On dirait que ce n’est plus un secret pour personne !
Justement, comment écrivez-vous vos chansons? Sur le disque, ça tient énormément à une ambiance, pas toujours à des morceaux ficelés. Ca sonne très impro collective. Vous jouez live en studio ?
A : En quelque sorte, on essaie d’enregistrer tous en même temps dans la même pièce. C’est une chose à laquelle on tient réellement. On doit ensuite recréer le disque sur scène, donc bon, ça me paraît logique d’écrire de cette façon. On part d’un riff de guitare ou d’un groove basique, et le reste est à base de jams.
N : Quand on essaie les chansons en live, avant de les enregistrer, on n’a pas nécessairement toujours décidé des parties structurées, etc. On a une idée directrice et on tourne autour.
A: Le but est souvent de développer des idées qu’on vient d’avoir dans les loges. Ca crée un sentiment d’insécurité assez sain. Ca peut être différent selon le moment où on improvise sur la même idée.
S : On se nourrit de l’énergie des autres en jouant live. On n’aurait pas le même résultat en enregistrant de façon classique. Ca réussit à certains, mais ce n’est clairement pas pour nous.
A : Ca semble être beaucoup de boulot d’enregistrer les uns après les autres. La batterie, la basse, les guitares, puis la voix sur la rythmique. On est beaucoup trop feignants pour bosser comme ça.
Je crois que vous enregistrez uniquement sur bande. C’est un choix ou une idée du producteur ?
A : C’est un choix délibéré. Si on a choisi d’enregistrer en analogique, sur bande, c’est parce que tu dois prendre des décisions d’emblée. Tu prends le sentiment de l’instant, l’énergie, avec tous les défauts que ça comporte, mais la chaleur est particulière. Le son est moins parfait, bla bla, mais il a plus d’âme.
N : Ce serait sans doute plus rapide avec un ordinateur. Les gars ont l’habitude, et le travail est sans doute plus facile pour eux. Chacun enregistre sa partie, le son est clean, mais ce ne serait pas vraiment honnête avec ce qu’on fait.
Une particularité de votre son, au début, était la drone machine. Qu’est ce que c’est ?
N : C’était la création d’un ami à nous qui bricole du matériel. Le drone était un orgue Vox combiné à un harmonium et un écho. C’était plus une histoire d’énergie qu’un truc technique.
Vous l’utilisez encore, depuis que Jennifer Raines a quitté le groupe (en 2007) ?
A: On a abandonné l’idée du drone, mais on reprend les parties musicales avec des boucles samplées ou en compensant avec les autres instruments. On recherche davantage un équilibre, l'harmonie de notre son.
Vous êtes contents du public qui se pointe à vos concerts? Parce qu’apparemment il y a un fossé conséquent entre les gens immobiles sous substances et les gars surexcités du premier rang.
A: Ah ah, l’image me semble parfaite. Disons qu’il y a … différentes mouvances, en effet.
N : On ne s’attend pas forcément à ce que tout le public devienne incontrôlable. Moi le premier, quand je vois pour la première fois un groupe, je prends le temps de le découvrir, je l’étudie un peu, mais je deviens rarement incontrôlable.

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