Je balance mon top 8 des disques sortis en 2010. Hey, rien de prophétique là-dedans. Je suis tombé il y a peu sur un carnet où j’avais noté, entre autres monomanies teenager, les disques que j’avais préféré en 1994. C’était un gros bond en arrière et j’avais l’impression de débattre avec mon 18 y-o-self. J’écris donc ce top 8 à mon futur moi de 2026. Juste une borne égotiste dans le temps qui passe.
Ce qui est intéressant, au-delà de mes goûts personnels, c’est de constater que la musique alternative est relancée par le mainstream qui tourne en rond. La musique superficielle 2010 a été un plagiat usé de celle de 2009. Ca rappelle la fin des années 80, et c’est bon pour les vrais groupes qui en général naissent de ce genre de période apathique.
1 // Brant Bjork « Gods and Goddesses »
De l’éloge de la sobriété à travers un rock sec et aride comme son désert natal. Sur scène, minimalisme et altruisme à haut volume. Tous les éléments qui en font peut-être le dernier rempart de la scène originale du Desert Rock. Brant Bjork nous disait en interview qu’il préférerait toujours enregistrer 50 albums moyens que 5 chefs d’œuvre sur lesquels il aurait bossé des mois. C’est un des trucs qui m’a le plus marqué de l’année, comme sa philosophie de « less is more » en général. L’album est raccord. Sûrement la meilleure synthèse de ce qui fait la discographie du Dr Special, avec un bon dosage de tous ses éléments psyché-desert-heavy dans des chansons au format classique. Pas de quoi dire que Brant Bjork est un vendu, quand même, comprenez moi bien, mais de gros tubes comme « the Future rock (we got it ) » et « Somewhere some woman » et des idées simples. En creux, grâce à Brant, on voit que Josh Homme est bien parti en vrille.
2 // The Sword « Warp Riders » (Kemado)
Clairement l’album que j’ai le plus écouté cette année. J’avais honteusement découvert the Sword grâce à ma passion geek pour Guitar Hero. J’aimais bien, mais rien de fusionnel jusqu’à cet album. Il m’a même appris à mieux apprécier les autres disques. Qualité rare. Un hommage vivant aux années 70 mais avec un chant sec et minimaliste. La prod y fait beaucoup : c’est puissant et ça reste excitant à la 20e écoute.
3 // High on Fire « Snakes for the Divine » (E1 Records)
J’admire la créativité de cet album. Très addictif car très riche. Matt Pike, le guitariste de feu-Sleep à la voix de Lemmy, signe le meilleur album du groupe. Histoire de varier et parce qu’il en parle mieux que je ne l’aurais fait, je mets en copie la chronique qu’en avait fait mon pote Pierrot de l’Heretic.
HIGH ON FIRE «Snakes for the Divine»
Merci Seigneur. Merci pour ce cinquième album bien meilleur que son grand frère «Death is this communion». Merci pour l'apport du fantastique bassiste de ZEKE, Jeff Matz, qui apporte un groove du tonnerre. Merci à la nouvelle production meilleure que celle de Relapse qui rend plus la voix de Matt Pike plus grasse que celle de Lemmy mangeant du saindoux. Gloire à Toi de permettre une telle tribalité et une telle habileté musicale diabolique dans les compositions de «Snakes For The Divine», «Frost Hammer» (quel refrain, mes aïeux, quel refrain), «Bastard Samurai» et «Fire, Blood and Plague». Pardonne à ces malheureux d'avoir lorgné sur les riffs de MASTODON un court instant, ils en reviennent derechef, et Te rendent hommage avec «How Dark We Pray» au milieu de la poussière et de la désolation. Honneur Te soit rendu d'avoir autorisé un si mauvais goût de layout (un dessin hyper classe de gorgone enveloppée de serpents, le corps et le regard tournés vers une lumière plus que malsaine, excusez du peu). Je m'incline devant Ta mansuétude, Ô Toi le Grand Cornu.
(PMA)
4 // Karma to Burn « Appalachian Incantation » (Napalm Records)
En plus de trouver cet album incroyable, j’ai eu la chance de les voir et les interviewer à Périgueux le 5 novembre. Voilà ce que j’ai écrit dans le ‘live report’ pour Abus Dangereux.
Depuis le dernier album « Appalachian Incantation », le groupe s’est étoffé avec Daniel Davies, le chanteur/guitariste de Year Long Disaster. Un apport considérable qui semble séréniser tout le monde. On sent que Will Mecum notamment n’est pas mécontent qu’un mec soit content de solliciter l’attention sur scène. Sur disque, le groupe nomme ses morceaux comme d’autres des chambres d’hôtels (42 est le 2e morceau du 4e album). Sur scène, pas un mot. Le package pourrait sembler austère et pourtant on entre dans une communion enamourée à la première note. Un stoner puissant, accrocheur et qui provoque immédiatement une réaction épidermique. Plus qu’une claque, un bouton ‘reset’, comme si on se départissait du côté blasé et qu’on n’avait jamais vu de concert avant. Science du riff et efficacité optimale tout le long. Pas de longueur ou de fioriture. Du point A au point B. Une deuxième chance inespérée pour ce groupe crucial de deux mouvements jugés futiles, le stoner et l’instrumental. « Now » inscrit sur la batterie de Rob Oswald résume bien à la fois la meilleure façon de vivre ce concert, et la façon qu’a le groupe de l’appréhender lui-même. Le gang a choisi d’exorciser les vieux démons à même la scène. Comme un four qu’on aurait chargé de bois toute la journée cracherait des flammes incontrôlables dès qu’on ouvrirait la porte. C’est sûrement l’alchimie la plus improbable de la musique actuelle, avec la reformation de Take That. Une force centralisée incroyable, bien plus forte que l’ensemble de ses parties. En plus de ça, les nouveaux morceaux (« 41 » et « Waiting for the western world » notamment) empêchent de sombrer dans le passéisme du « c’était mieux avant ».
5 // Valient Thorr « Stranger » (Volcom Entertainment)
D’album en album, Valient Thorr s’affirme toujours plus comme le meilleur remplaçant de feu-Turbonegro. Ou comme des Ramones éduqués, c’est selon. « Stranger », le cinquième album, continue sur la voie du gros son entendu sur Immortalizer (2008). On retrouve aux manettes le producteur Jack Endino (Nirvana, Mudhoney, Zeke, High On Fire). Pour les gens assez vieux pour avoir vécu le grunge, l’association parait tomber sous le sens. De gros riffs rapides et percutants, une chiée d’événements à la seconde. On a un peu la même impression qu’à la lecture du Las Vegas Parano de Hunter S. Thompson. On est pris dès la première seconde dans un engrenage dont on ne maîtrise rien, et on ne réussit à s’en sortir qu’à la fin, sans être vraiment acteur de quoique ce soit. On est esquintés, encore fumants, mais on fait le tour et on repart au début. L’ensemble est faussement bas du front et se révèle très malin et ironico-nerd. C’est un peu « Freaks » filmé par les Stooges. Le lien entre Anthrax et Mudhoney quoi.
6 // Danzig « Deth Red Sabaoth » (Evilive records)
Aaaah, Glenn Danzig… j’en ai longuement parlé ici >> http://drinkboozethinkloose.blogspot.com/2010/09/danzig-deth-red-sabaoth.html, donc je ne vais pas en remettre une tartine. Ce que j’apprécie chez le gars, c’est le côté seul contre le monde entier. Intègre jusqu’à l’absurde. Jamais il n’a dévié de son objectif. La fois où il s’est le plus rapproché des spotlights, c’est quand il a écrit une chanson pour Johnny Cash. La classe selon un certain angle.
7 // 80s matchbox B-Line Disaster « Blood & Fire » (Black Records)
« Blood & Fire » est le testament d’un groupe qui n’a jamais triché. Une merveille de groupe marginal, très punk dans l’esprit. Très proche de la phrase de Neil Young « It's better to burn out than to fade away » jusqu’au bout puisque le groupe a splitté en fin d’année. Sans en faire des tonnes, ils l’ont juste fait. De « Hörse of the Dög » à « Blood & Fire » la groupe a gardé le cap : un peu post-punk, un peu psychobilly, un peu garage et donc inévitablement un peu Cramps. Forcément foutraque. Le tout joué avec l’urgence d’un éphémère qui ne verra jamais le matin. Le producteur Chris Goss avait étonnamment dit qu’il s’agissait du meilleur groupe avec lequel il avait travaillé (pour ceux qui ne connaissent pas Goss, et histoire de ne pas faire tout le boulot, je vous laisse le wikipédier). Le groupe avait en tout cas ce côté fédérateur à la Motörhead car ni les punks ni les métalleux ni les rockeurs ni les garageux ne pouvaient leur cracher dessus. Rest in Peace.
8 // Helmet « Seeing Eye Dog » (Work song inc.)
Ah le bon parfum des college radios US des années 90 ! Helmet revient avec le seul Page Hamilton aux commandes. « Seeing Eye Dog » est comparable à « Betty » sur la forme, avec ses plages contemplatives au milieu, et à « Aftertaste » sur le fonds. Gros son, production compacte et claustrophobe. Niveau chansons, « LA water », « Miserable » ou « Welcome to Algiers » tiennent l’album, quand « In person » évoque une réflexion paradoxale. Le métal alternatif, dont Helmet a été l’un des plus dignes représentants, a été exploité dans tous les sens par Dave Grohl qui l’a diffusé poliment dans les albums successifs de son groupe. Et … on a l’impression d’entendre les Foo Fighters sur ce morceau. Un tour de force dans l’inversion des données. Pour le reste, les assauts radicaux estampillés Helmet évitent la facilité. On peut toujours débattre du fait que c’était mieux avec Bogdan et Stanier. Hamilton a inventé un style, une équation inoxydable. C’est le McCartney du hardcore. Une intégrité qui ne connaît aucune érosion. Culte comme s’il était mort, méconnu comme s’il n’était jamais né.
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Bonus // Gwar « Bloody Pit of Horror » (Metal Blade Rds)
On est ok, cet album est mauvais. Mais voir que Gwar est encore en vie en 2010, ça force le respect. Comment peut-on concrètement amener un groupe avec des gros masques en latex d’aliens à travers trois décennies ? Beavis and Butthead seraient vraiment fiers s’ils étaient encore en vie.
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Albums qui n’ont pas fait le cut par pure modération : the Melvins « the Bride Screamed Murder », Fu Manchu « California Crossing démos », the Black Angels « Phosphene Dreams », Year Long Disaster « Black Magic : All Mysteries Revealed », the Black Keys « Brothers », Grinderman « Grinderman 2 », Electric Wizard « Black Masses », the Fall « Your Future Our Clutter », Year of No Light "Ausserwelt"
Héhé bien d'accord avec le High On Fire (je l'ai moi même sélectionné dans mes petits préférés) et comme un con j'ai oublié de mentionner le Brant Bjork! J'ai pas encore réussi à chopper le dernier Valient Thorr, à écouter; sinon t'as pas mis Ausserwelt haha sacrilège!
RépondreSupprimerDamn, Ausserwelt !! Pur oubli.
RépondreSupprimerJ'avais pas vu ton blog. Très cool.Je vais essayer Aguirre/ Electric Wizard.
Merci! Je me disais que c'était pas possible de zapper YONL, quant à moi j'ai même pas capté que the Fall avait sorti un nouvel album...
RépondreSupprimerBRANT BJORK PRESIDENT
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