Chronique parue dans le fanzine BAD IDEAS # 5 // Septembre 2011
Un tas de gars qui ont grandi en même temps que le jeu vidéo (dude, je jouais à Pac Man et Space Invaders dans les troquets quand j’étais un kid) ont arrêté d’y jouer quand la forme a empiété sur le fond. La suite a prouvé que mon cerveau n’était de toute façon pas fait pour encaisser toute donnée excédant le 16-bits.
En 1991, ma mère m’a acheté un Atari ST pour ... m’aider à l’école. Tout ce que j’ai fait sur cet ordinateur, c’était de jouer frénétiquement à deux jeux qui sont restés dans mon top 5 jusqu’ici. Zak McKracken et Maniac Mansion. Les deux étaient conçus par LucasFilm Games (de nombreuses références cachées dans ces jeux à propos de Star Wars ou THX 1138, d’ailleurs) et les deux étaient des jeux « point and click ». Concrètement, il fallait indiquer quoi faire au personnage en cliquant sur des actions et des objets. Un trip jeu de rôles pour nerds pop corn. Ok, c’était loin de la 3D, mais ce n’était pas une limitation technique dépressive du genre « c’est horrible que nous soyons si frustrés car on aimerait tant que des raccourcis claviers servent une action 3D super fluide avec des personnages réalistes ». Non, la forme était assumée et conférait tout le charme au truc. C’est un peu comme si tu compares Michel Gondry et Michael Mann, ok ? Cette posture fait d’ailleurs que c’est encore jouable aujourd’hui. De la même façon que tu préfères la première version de Star Wars à la version remasterisée ou que tu regardes encore Blade Runner sans hurler.
« Bernard ! Don’t be Tuna-head ! »
Maniac Mansion est arrivé dans un contexte particulier. Les films d’horreur étaient au top, Elvira avait son émission US hebdomadaire, le rock indé remplaçait la vague synthé-dégueulasse et débouchait sur le grunge. Ce jeu était un prolongement de tout ça. Je ne vais pas dire que Maniac Mansion était un jeu grunge mais c’était en tout cas le chainon manquant entre la Hammer et Wayne’s World ... exprimé à travers une batterie 8-bits.
Il faut botter en touche le côté retro-gamer. J’adore ce jeu car il est cool, pas parce qu’il est vieux. En 2011 finalement, l’âge des remakes et des adaptations, on a régressé dans l’ambition. Maniac Mansion est né en plein milieu de ces années où la créativité n’avait pas de barrières.
Un teenager essaye de sauver sa copine au nom incroyable (Sandy Pantz) d’un savant fou contrôlé par une entité extraterrestre. Des potes largués dans un manoir vaguement gore, des aliens, une copine pot de fleur qui a tout de la screameuse du film d’horreur 80s. L’ambition de Dr Fred : dominer le monde, un teenager après l’autre. Intéressant quand on sait que son réacteur nucléaire est relié à un disjoncteur. Le parfum B-movies renifle le Rocky Horror Picture Show. A vrai dire, le truc ressemble au film ultime pour le duo Robert Zemeckis/ Ed Wood. Un teen movie, et pour à la fois le dire sobrement et classer le phénomène, c’était mieux que les Goonies les mecs.
Ajoutons à ça des détails complètement désuets et donc foncièrement attachants. Les dialogues des cinématiques sonnent aussi cheap que toute la vidéothèque de Joe Dante. « Allez vous faire cuire un oeuf avec votre maudit météore », « je n’arriverai jamais à monter un groupe. Ma vie ne rime à rien », « Papa m’inquiète avec son projet secret dans le laboratoire, ça fait cinq ans qu’il n’a pas dormi » ... Et puis dans quel genre de jeu on peut mettre un hamster au micro-ondes et aller chercher un code secret dans les hi-scores d’une borne d’arcades ?
Le point fort du jeu était aussi la musique. Chaque perso a sa bande-son. Celle de Razor notamment est très innovante à l’époque. Je pense que les gens qui ont créé l’electro-punk ont joué à ce truc.
«Pourquoi y a-t-il une tronçonneuse dans la cuisine ?»
Il fallait choisir à Dave Miller (le copain de Sandy, donc, et probablement le mec cool du lycée) deux compagnons parmi ses six potes. Je ne sais pas si le but était de synthétiser des profils représentatifs de la société en 1989 ? Un geek, une punk, un surfeur ... well. Le plus de Maniac Mansion était que ce choix initial allait conditionner le déroulement du jeu, les indices et les cinématiques. La première histoire pixellisée à avoir plusieurs fins différentes selon les personnages. Le but n’était pas de « finir » le jeu. Le but était de le faire avec toutes les combinaisons de personnages. Bernard sait réparer la radio mais Syd sait jouer du piano. Ca ne te parle pas, uh ? Hey le profane, tu peux encore te rattraper en chargeant une émulation gratos trouvable sur le web.
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