Alors que tous les autres groupes feraient le choix inverse
en assurant leurs vieux jours sur une major, Fu Manchu retourne au DIY de ses années
teenagers dans le garage familial, en montant son propre label après plus de 20
ans de carrière.
Traité sur le skato-nihilisme avec Scott Hill
(chant/guitare)
Interview publiée dans Abus Dangereux # 125
Vous nous aviez
habitué à sortir un album tous les deux ans. Qu’est ce qui s’est passé depuis
la sortie de « Signs of Infinite Power » (2009) ?
On avait l’habitude de sortir un album, faire une
tournée et vite rentrer pour enregistrer le suivant. On a un peu changé de mode
de fonctionnement. On a décidé de tout faire par nos propres moyens à partir de
maintenant. Ca implique aussi qu’on va devoir tout payer de nos poches, on doit
donc prendre plus de temps pour mettre de l’argent de côté.
C’est la seconde
tournée que vous dédiez à jouer un vieil album en entier, après « In search
of » l’an dernier. C’était justement pour casser ce cycle
enregistrement-tournée-enregistrement ?
Oui, en quelque sorte. On n’avait pas prévu de jouer ces
disques dans leur intégralité, on avait l’habitude d’ajouter de vieilles chansons
aux sets mais c’est le manager qui nous a dit que ce serait cool de marquer le
coup pour les 15 ans du disque. On a réédité le disque et on pensait jouer
quelques shows. C’est aussi parce qu’en tant que spectateur, j’avais pris du
plaisir à aller voir des mecs comme Monster Magnet rejouer « Spine of
God » que je me suis laissé facilement convaincre.
Bon, et
maintenant ? « King of the Road » ?
Ah ah, oh mec je ne sais pas. C’est tentant parce que tout
le monde a envie qu’on le joue, mais la priorité est plutôt de sortir un nouvel
album.
Vous jouez ces
disques qui ont quinze ans. Ce n’est pas le meilleur moyen de rester
authentique finalement : penser comme si tu avais quinze ans ?
Oui c’est un moyen très sûr, ah ah. Blague à part, il y a
plein de ces chansons qu’on n’avait jamais joué en live et d’une certaine
façon, ce sont comme des nouvelles compos qu’on joue au milieu des classiques
et d’autres qu’on joue de temps à autre. C’est l’avantage d’avoir attendu
quinze ans: c’est tellement loin qu’on a oublié et qu’on a l’impression que
c’est du neuf.
Mmm.
« Non. »
Ah ah, « non ». Je ne sais vraiment pas. On est
sur ce cycle irrémédiable disque-tournée-disque-tournée, comme on disait tout à
l’heure. Tant qu’on prend du plaisir à rentrer dans cette démarche, on ne se
pose aucune question de ce genre. Le truc c’est de continuer à pousser pour
bien faire les choses.
Tu as la sensation
que vous avez réussi à garder la même fraîcheur que quand « Action is
Go » est sorti ?
Je suis mal placé pour en juger mais je peux te dire qu’à
cette époque là, on partait en tournée pour neuf mois après chaque disque et
que je serais foutrement incapable de faire la même chose aujourd’hui. Pour
tout le reste, l’esprit est complètement le même.
Oui. On a pris la fin du contrat (NdR: pour deux albums) avec Century Media comme
une opportunité de se lancer, faire tout ça nous-mêmes. Au moins tenter le
truc, on verra si ça marche. On a déjà sorti les rééditions, on s’était chargés
de 45 tours et de EPs, mais ce sera la première fois sur un vrai album et on
sait que ça va nous coûter beaucoup d’argent.
Vous allez faire la
totale DIY et le produire aussi ?
Je ne sais pas. Je pense que c’est toujours constructif
quand tu as un avis extérieur. Une paire d’oreilles qui va entendre un truc
qu’on n’entend pas car on est dans nos habitudes. Neuf fois sur dix, on a bossé
avec un producteur et ça s’est parfaitement bien passé, donc on n’est pas
forcément dans cet état d’esprit.
Avec la mutation de
la musique à cause d’internet, le changement d’habitudes avec le téléchargement
gratuit et la victoire globale de la musique mainstream des major labels,
penses-tu que les groupes indé vont tendre à revenir à ce format DIY dans un
futur proche ?
Oui, pour nous c’est indéniable. On ne sera jamais un groupe
mainstream ou le buzz de l’été, et on a grandi en écoutant les groupes de punk
comme Black Flag. C’est un état d’esprit qui est inscrit en nous. Pour ce qui
est des téléchargements, je crois qu’on est protégés car on sort des vinyls et
qu’on y tient. Les gens qui achètent des 33 tours ne sont pas forcément dans la
tranche de consommateurs de musique qui chargent systématiquement tout.
C’était naturel. J’ai grandi en achetant des vinyls et je
n’ai jamais arrêté. C’est impensable qu’on sorte nos disques autrement. Je
trouve que le CD n’offre pas la même émotion, ne parlons même pas du mp3.
C’était difficile
d’imposer le gravage de vinyl dans les années 90, quand la production était au
plus bas et qu’on parlait de la disparition du format ?
C’était plutôt marginal. C’étaient des tirages à ... 3000
exemplaires peut-être. Ok, c’est plus cher à produire mais ça vaut la peine, et
les gens adorent mettre la main dessus. Je vois ça comme un échange
supplémentaire.
Tes chansons parlent
de skate, de filles, de science fiction et de voitures. T’en as authentiquement
rien à foutre ?
Ah ah non, j’en ai vraiment rien à foutre. Vraiment rien. Tu
ne trouveras jamais de revendications politiques ou religieuses dans nos
textes. Ca m’énerve toujours d’avoir à entendre des groupes geindre ce genre de
trucs. C’est juste la musique qui m’intéresse. J’en ai vraiment rien à
tamponner de ce que peut bien penser ce gars sur l’actualité. Finalement, les
voitures et la science fiction ont plus d’intérêt dans ce contexte. On ne prend
pas tout ça trop au sérieux. Ah ah, j’en ai vraiment rien à foutre. C’est toi
qui l’a dit, t’as parfaitement raison. On en a totalement rien à foutre. C’est
notre spécialité.
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