Fraîchement arrivé dans les bacs, Lex Hives est le cinquième
album des suédois. Retour à la ligne droite après une incursion ratée dans la
hype sur The Black and White Album
en 2007. Sur scène, des tubes, du punch et toujours autant d’idées: les roadies
sont par exemple déguisés en ninjas et arpentent la scène furtivement, en
prenant le temps de taper sur une cowbell entre deux interventions sur un câble.
Sûrement la plus grande idée 2012. Pelle prend le public en otage, bricole avec
les limites de son vocabulaire français et s’est assuré que personne ne reparte
en crachant un « c’était mieux avant ».
Interview avec un guitariste élevé dans la tradition Groucho
Marx – Nicholaus Arson – et un batteur taillé dans le flanc viking de la Suède,
Chris Dangerous.
Crédit photo @ Nicolas Fontas |
Cinq ans depuis le
dernier album, c’est plutôt long par rapport à votre rythme habituel. Il y a
même eu une période où les fans ne savaient pas si vous étiez encore ensemble.
Qu’est ce qui s’est passé ?
Chris Dangerous :
On a tourné pour ‘the Black and White album’ pendant trois ans. On a eu
quelques problèmes personnels. Ca nous a obligé à y aller cool pendant un
moment. Et on a pris aussi beaucoup de temps pour travailler sur ‘Lex Hives’.
Cinq ans, ça fait beaucoup c’est sûr mais – bah – je ne pense pas que quelqu’un
ait pu sérieusement pensé qu’on avait splitté. On a l’image d’un de ces groupes
qui continue tête baissée sans trop faire attention à tout ce qui se passe
autour.
C’est quoi le truc
avec Lex Hives (NdR : Lex = loi
en latin) ? C’est un ensemble de lois que vous avez écrit sur un mur du
studio, comme dans le livre Animal Farm
de George Orwell ?
Nicholaus Arson :
C’est lié à la façon dont on a créé l’album. On s’est conformés à nos lois
élémentaires parce qu’on voulait faire le disque le plus Hives possible. Quand
on était plus jeunes et qu’on a commencé le groupe, on avait l’habitude de
s’interdire certains trucs pour être sûrs de ne pas être des nases. Tout ce qui
nous paraissait rédhibitoire dans les chansons des autres. Tout ce qui
éloignait ces groupes du cool à nos yeux. C’est le même genre de lois qu’à
l’époque, mais je peux te dire que ce sont des lois très changeantes, ah ah.
Certains articles ont perdu de leur cool le temps qu’on s’y mette concrètement,
il a fallu se faire une raison.
Tu peux donner un
exemple de loi, c’est assez obscur vu de loin.
NA : Tu n’es
pas autorisé à jouer un beat funky.
Très bonne idée. Lex
Hives suit le Black and white album que vous aviez fait avec notamment
Pharrell Williams et quelques autres producteurs hype. C’était plus dans
l’espoir de capter l’air du temps, plus synthétique que vos autres disques. Je
vois vraiment un parallèle avec les paroles de la chanson Take back your toys qui figure sur le
dernier album : « Take back the toys that you gave to me / I never
knew what to do with them anyway / (...) I’ll stick to pebbles and boulders and
blocks ». (« reprends les
jouets que tu m’avais donné, je n’ai jamais su quoi en faire de toute façon, je
retourne à mes jouets rudimentaires»)
NA : Ah ah
ah. Je suppose que tu peux le voir comme ça oui, mais ce n’était pas le cas.
Quand on a fait the Black and White Album, on l’a vraiment pensé en deux
parties. Une moitié complètement Hives et l’autre où on essayait de s’en
éloigner autant que possible. Selon moi, c’était une démarche nécessaire à
l’époque. Il y a un moment où dès que tu commences à jouer quelque chose, ça
sonne beaucoup trop comme toi-même. On s’est retrouvés dans une position un peu
schizophrène qui consistait à vouloir en priorité martyriser notre propre son.
On a eu bien sûr envie de faire des chansons très directes comme Tick Tick Boom mais on tenait vraiment
à repenser ce qui était devenu des réflexes. Pharrell Williams ou Timbaland
nous ont aidé à aller dans ce sens car ils ne viennent pas de la même culture.
On avait besoin d’aller voir plus loin pour revenir à notre son et l’apprécier
à nouveau.
Crédit photo @ Wunderstudio |
Qu’est ce qui vous
prend le plus de temps : écrire de nouvelles chansons ou griffonner de
nouvelles idées pour les shows ou les uniformes ? Je veux dire : vous
êtes réellement des control freaks ?
NA et CD :
yeah.
NA : Mais
contrairement à ce qu’on peut penser, ces idées nous prennent peu de temps.
L’idée des costumes et hauts de forme prend dix secondes pour exister. Bien sûr
après, il faut que quelqu’un le fasse, que tu en discutes et accessoirement,
que tu alignes des dizaines de milliers d’euros pour qu’ils existent pour de
bon, ah ah. Les chansons par contre nous prennent énormément de temps. Ce
serait sur ce point qu’on serait les plus control freaks. Ca nous prend des
siècles. Pour Veni Vidi Vicious, je
me rappelle qu’on a travaillé sur une seule chanson pendant un an et demi.
Quand on est entré en studio, on avait seulement quatre chansons et on s’est
dit ’wow’. Ne t’étonne pas qu’on ait jamais dépassé les douze chansons par
album dans ces conditions, ah ah. Les deux derniers albums sont les seuls pour
lesquels on a enregistré plus de chansons qu’on en a mis sur le disque. Sinon
on sélectionne en aval, on n’enregistre que ce dont on est absolument sûrs.
Est-ce que ce genre
de concept global est plus difficile à véhiculer aujourd’hui avec l’ère de la
musique digitale et du coup, la disparition du pack pochette/livret ?
CD : On
pense encore des disques selon le schéma traditionnel. On met pas mal d’énergie
dans le livret et la pochette d’ailleurs. C’est mieux sur vinyl c’est vrai,
mais quand tu achètes de la musique digitale, tu as en général aussi les
fichiers des visuels. Ca s’améliore un peu à ce niveau-là. On pense surtout au
concret, c’est certain.
NA : Le mp3
a rédéfini la façon d’écouter la musique. Tu écoutes les albums différemment.
Tu gardes souvent une seule chanson sur ton lecteur, peut-être deux. On a rien
contre ça, j’ai toujours aimé les 45 tours et c’est probablement la même
logique. On pense nos disques en tant qu’albums, que recueils homogènes de
chansons, mais ils peuvent aussi être vus comme un assemblage de plusieurs 45
tours. Les Rolling Stones sortaient des 45 tours dans les années 60, et quand
ils avaient sorti assez de chansons, ils collaient tous ces singles sur un
album. Les mêmes chansons. Une compilation en quelque sorte. J’aime penser
qu’on réfléchit des deux façons à la fois.
Crédit photo @ Nicolas Fontas |
Vous vous sentez plus
en sécurité avec des ninjas sur scène ?
NA : En
fait, parfois, c’est plutôt flippant. Hier soir, j’étais dans un coin sombre et
je me suis retrouvé face à deux yeux qui me fixaient.
CD : Un de
ces mecs est avec nous depuis 12 ans. Ca me suffit pour me sentir en sécurité.
J’espère que vous
n’êtes pas en train de me dire que ce ne sont pas de vrais ninjas.
NA : Non,
mais ils pourraient t’apprendre deux ou trois trucs, ils y prennent goût.
Vous en doutez depuis l’intro mais sur cette vidéo, on voit clairement un ninja taper sur une cowbell.
Vous avez toujours
réussi à rester marrants sans tomber dans le burlesque ou devenir un comedy band. C’est difficile sur la
durée ?
CD : Quand
tu écoutes les chansons, tu sens que c’est plus que ça. On ne cherche pas à
être drôles en priorité. Ca vient plus tard, parce quand on répète ou qu’on
enregistre, c’est si dramatiquement sérieux. Je pense que c’est notre patte
perso, de savoir allier les deux naturellement à la fin du processus.
NA : Ce qui
tient le truc, c’est la qualité des chansons. Si les gens nous trouvent
convaincants et qu’on les fait rire, tant mieux, mais si les chansons étaient
ridicules, le reste ne tiendrait pas : on nous prendrait pour des guignols
et ça semblerait un peu pathétique.
D’habitude, quand il
y a deux frères dans un groupe (NdR :
Nicholaus Arson est le frère du chanteur Pelle Almqvist), ils tentent de
s’entretuer à un moment donné. Jesus and Mary Chain, les Kinks, Oasis ... Vous
gérez plutôt bien le problème depuis le début.
NA : On se
battait davantage quand on était jeunes. Depuis qu’on est dans les Hives, on a
du arrêter ce genre de conflits car il y a d’autres personnes en jeu, c’est
contre-productif. La recette est souvent la même en effet : les gars
s’opposent, le groupe se sépare. Donc on s’arrange : quand Pelle va dans
un sens, je pars en général à l’opposé et tout est ok.
Crédit photo @ Nicolas Fontas |
Quelle est la
meilleure chanson qu’auraient pu écrire les Hives mais qui a été écrite par un
autre groupe ?
CD : On a
sorti un EP avec des reprises totalement dans cet esprit-là, ‘Tarred and Feathered ‘(NdR : 2010). Il y a des chansons
de Joy Rider and Avis Davis, des Zero Boys et de Flash and the Pans.
NA : Sinon,
ce serait probablement une chanson des Misfits. J’aurais adoré écrire une
chanson comme ‘Skulls’. Ah non, ‘Bullet’, voilà. J’aurais adoré écrire ‘Bullet’.
CD : Pour
moi, ce serait sans aucun doute ‘Moon
over Marin’ des Dead Kennedys.
Vous êtes arrivés sur
le devant de la scène pendant le revival rock du début des années 2000.
Maintenant il n’y a plus tant de rock que ça. L’electro est le truc principal.
Vous vous sentez parfois isolés ?
NA : Pas
vraiment. Quand on a formé le groupe au milieu des 90s, tous les groupes qu’on
aimait étaient underground et existaient à une échelle modeste. On a longtemps
pensé qu’on vivrait la même chose. On s’en sort bien mais s’il fallait revenir
à un format plus rugueux, on le ferait sans problème. Je ne sais pas à quel
niveau fixer la consécration. Est-ce que c’est juste de dire que le meilleur
groupe punk est celui qui a eu du succès et fait le break vers le
mainstream ? C’est mieux de pouvoir trouver tes disques partout, ça permet
de toucher plus de gens, mais est-ce que tu gardes ton âme underground à ce
moment-là ? C’est une question très complexe. Le plus important c’est de sentir
qu’on n’a pas changé, finalement.
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