mardi 27 juillet 2010

Les Feux de l’Amour (expliqués par ma grand-mère)

Publié dans Trente Trois Tours - Mars 2006

Qui n’est jamais tombé sur les Feux de l’Amour en prenant son café ? Et qui n’est pas resté devant sa télé, l’œil vide, à essayer de comprendre quelque chose ? Un jour, mon œil s’est éclairé et j’ai voulu comprendre, pour moi, pour vous, pour nous.
Face à moi, Marie-Madeleine, ma grand-mère.



Les Feux de l’Amour sont un phénomène, ça, personne n’en doute : la moitié des télés allumées à 13h35 le sont pour la série. Feux, déclinez votre identité, je vous prie : 33 années d’existence, plus de 8250 épisodes, 41 mariages, 21 divorces, 33 décès, une trentaine de naissances, 29700 bouquets de fleurs et une bonne vingtaine de palettes de vodka pour la seule Nikki et son foie mutant. Jusque là, je suis. 180 rôles titres en tout ? Plus que Tolstoï n’a pu en caser dans Anna Karenine. Ca se corse. Mais qui est important dans le tas ? « Ils sont tous importants ». Wow. Mais le moustachu là ? « Ah, Victor, ça a été l’amant de toutes les femmes d’Amérique certainement. » Mais aussi Nikki, l’alcoolique repentie (pourtant, on était disposés à se montrer tolérants, ça devait venir de la lecture du script), et puis Brad, Gil... Arf !



Ce qui me chiffonne à vrai dire… Pourquoi les gens regardent tous les jours ce roman de gare ? « C’est pas terrible-terrible». Oh !? Moi qui m’attendais à trouver une fan transie d’émotion, les yeux s’éclairant à chaque évocation de la saga. « Y a rien à la télé à la même heure, t’es marrant. » Retour instantané au jour de mes 12 ans, je vais me faire engueuler. « Ce sont les vieux qui regardent ça, ils en profitent pour dormir devant la télé et quand ils se réveillent, ils comprennent encore. » Ah oui, l’intrigue, tiens. Alors, soyons honnêtes, l’intrigue du moment. J’imagine bien qu’après 33 ans d’antenne, je ne peux plus refaire mon retard. Amour, haine, complots, secrets, mariages, divorces, liaisons, naissances légitimes, naissances illégitimes à Genoa City (Genoa City ???). En gros, sous le couvert de la concurrence entre de grosses entreprises, les gens passent leur temps à boire des drinks et à se parler le dos tourné, sautant de discussions profondes en discussions abyssales. Puis, ma grand-mère trouve la clé : « les personnages restent, mais les acteurs changent des fois » et « TF1, ils sautent des épisodes souvent ». Comprendre est-il donc impossible ? « Toutes les familles se mélangent, j’arrive à un point où je ne comprends plus rien. » Ma grand-mère, qui regarde les Feux de l’Amour tous les jours, n’y comprend rien… Je retourne l’œil vide à mon café.

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