Je regardais « the Thing » de John Carpenter. Je
voulais ressentir de nouveau le confort d’aimer un film sans ressentir
l’aigreur à l’idée que les producteurs ne sortent une suite dans la foulée.
Ain’t no school like old school. Mais soudain, j’ai été frappé par un
recoupement hasardeux. Et si Carpenter avait écrit le premier
rockumentaire ?
Je me suis toujours dit que résumer ce film était le tuer
instantanément, mais bon, c’est vraiment un classique qui mérite son label
qualité. La routine d’une base coupée du monde en Antarctique est bouleversée
quand des voisins norvégiens font irruption et poursuivent un loup de façon
vaguement hystérique. Le loup s’avère être un polymorphe extra-terrestre qui va
s’immiscer dans la base en prenant l’apparence de ses membres un par un. Oui
mais qui ?
Un huis-clos. Des communications coupées. Un environnement
purement masculin. Une menace qui vient de l’intérieur. Des personnes qui se
connaissent parfaitement et qui commencent à douter les uns des autres alors
qu’ils ont besoin d’être soudés pour s’en sortir. La paranoia. Si un individu
s’éloigne du groupe, il est immédiatement suspecté. J’en ai déduit que
« the Thing » était un bien meilleur documentaire sur le rock que ne
le serait jamais Spinal Tap ou Some Kind of Monster. Le guide parfait à l’usage
des jeunes groupes.
On sait qu’il existe un lien fort entre John Carpenter et la
musique. Il compose lui-même la BO de ses films. Quand on revoit le film sous
cet aspect de rockumentaire, il y a des coïncidences frappantes. Kurt Russell
dicte à son journal de bord une phrase qui résume parfaitement n’importe quelle
session studio : « I'm going to hide this tape when I'm finished. If
none of us make it, at least there'll be some kind of record. The storm's been
hitting us hard now for 48 hours. » C’est ce qu’a du dire Shaun Ryder
quand les Happy Mondays ont planqué les bandes ce cet enregistrement
surréaliste aux Baléares, où le groupe avait grillé le budget avant de
mettre en boîte la moindre note de musique.
« I don’t know what the hell is in there, but it's weird and pissed off »
Ajoutons à ça que les problèmes commencent quand un loup
s’immisce dans le groupe établi. Phénomène déjà connu sous le nom du syndrome
‘Yoko Ono’. La "chose" est suffisamment intelligente pour exploiter le climat de
suspicion qui règne entre les autres membres du groupe et monte tout le monde
contre le personnage intègre. Hawkwind a bien viré Lemmy pour préserver les
egos. Enfin, la dernière scène est un bon résumé de la lutte quotidienne de
l’indé face à l’industrie du disque. « Why don't we just wait here for a
little while ? See what happens... »
Le message est clair. Cette base aux confins du froid, c’est Black Flag en 1981. Cet extra-terrestre, c’est le putain de mainstream. Carpenter a tout juste et en fond, il nous affirme que le mimétisme tue. Pitchfork se lève et crie « objection ».
Le message est clair. Cette base aux confins du froid, c’est Black Flag en 1981. Cet extra-terrestre, c’est le putain de mainstream. Carpenter a tout juste et en fond, il nous affirme que le mimétisme tue. Pitchfork se lève et crie « objection ».
Le titre de la nouvelle dont s’inspire le film – « le
ciel est mort » de John Campbell – vient se confronter à la doctrine
rock’n’roll « it’s a long way to the top ». Grimper, ok, mais pour
arriver où ? « Le ciel est mort » est du genre de ces panneaux
au milieu du désert « next gas station = 450 miles ». Le message de
Campbell est clair : « ne venez pas ici, il n’y a rien ». Il y a dans le film le même genre de
nihilisme salvateur, loin du bullshit des projecteurs. On pense aux Leningrad
Cowboys, dans le film d’Aki Kaurismaki, dont le parcours muet est raconté à
travers le filtre parfaitement absurde du réel. Le rockumentaire est une niche,
un genre à part pour nerds mélomanes. Des chefs d’oeuvre comme End of The
Century (Ramones), We Jam Econo (Minutemen), ResErection (Turbonegro) ou Metal :
a Headbanger’s journey côtoient les scénarisés Dig et Anvil, le tout est
noyé dans le filon promo et rentable du tout venant. La différence entre un
rockumentaire et un DVD promo à la Justin Bieber, c’est que le premier assume
sa part de pathétique et de lose romantique. Encore un argument qui prouve que « the
Thing » est un précurseur du genre.
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