mardi 1 mai 2012

John Carpenter + Guest


Je regardais « the Thing » de John Carpenter. Je voulais ressentir de nouveau le confort d’aimer un film sans ressentir l’aigreur à l’idée que les producteurs ne sortent une suite dans la foulée. Ain’t no school like old school. Mais soudain, j’ai été frappé par un recoupement hasardeux. Et si Carpenter avait écrit le premier rockumentaire ?


Je me suis toujours dit que résumer ce film était le tuer instantanément, mais bon, c’est vraiment un classique qui mérite son label qualité. La routine d’une base coupée du monde en Antarctique est bouleversée quand des voisins norvégiens font irruption et poursuivent un loup de façon vaguement hystérique. Le loup s’avère être un polymorphe extra-terrestre qui va s’immiscer dans la base en prenant l’apparence de ses membres un par un. Oui mais qui ?
Un huis-clos. Des communications coupées. Un environnement purement masculin. Une menace qui vient de l’intérieur. Des personnes qui se connaissent parfaitement et qui commencent à douter les uns des autres alors qu’ils ont besoin d’être soudés pour s’en sortir. La paranoia. Si un individu s’éloigne du groupe, il est immédiatement suspecté. J’en ai déduit que « the Thing » était un bien meilleur documentaire sur le rock que ne le serait jamais Spinal Tap ou Some Kind of Monster. Le guide parfait à l’usage des jeunes groupes.

 
On sait qu’il existe un lien fort entre John Carpenter et la musique. Il compose lui-même la BO de ses films. Quand on revoit le film sous cet aspect de rockumentaire, il y a des coïncidences frappantes. Kurt Russell dicte à son journal de bord une phrase qui résume parfaitement n’importe quelle session studio : « I'm going to hide this tape when I'm finished. If none of us make it, at least there'll be some kind of record. The storm's been hitting us hard now for 48 hours. » C’est ce qu’a du dire Shaun Ryder quand les Happy Mondays ont planqué les bandes ce cet enregistrement surréaliste aux Baléares, où le groupe avait grillé le budget avant de mettre en boîte la moindre note de musique.

« I don’t know what the hell is in there, but it's weird and pissed off » 

 

Ajoutons à ça que les problèmes commencent quand un loup s’immisce dans le groupe établi. Phénomène déjà connu sous le nom du syndrome ‘Yoko Ono’. La "chose" est suffisamment intelligente pour exploiter le climat de suspicion qui règne entre les autres membres du groupe et monte tout le monde contre le personnage intègre. Hawkwind a bien viré Lemmy pour préserver les egos. Enfin, la dernière scène est un bon résumé de la lutte quotidienne de l’indé face à l’industrie du disque. « Why don't we just wait here for a little while ? See what happens... »


Le message est clair. Cette base aux confins du froid, c’est Black Flag en 1981. Cet extra-terrestre, c’est le putain de mainstream. Carpenter a tout juste et en fond, il nous affirme que le mimétisme tue. Pitchfork se lève et crie « objection ».

Le titre de la nouvelle dont s’inspire le film – « le ciel est mort » de John Campbell – vient se confronter à la doctrine rock’n’roll « it’s a long way to the top ». Grimper, ok, mais pour arriver où ? « Le ciel est mort » est du genre de ces panneaux au milieu du désert « next gas station = 450 miles ». Le message de Campbell est clair : « ne venez pas ici, il n’y a rien ».  Il y a dans le film le même genre de nihilisme salvateur, loin du bullshit des projecteurs. On pense aux Leningrad Cowboys, dans le film d’Aki Kaurismaki, dont le parcours muet est raconté à travers le filtre parfaitement absurde du réel. Le rockumentaire est une niche, un genre à part pour nerds mélomanes. Des chefs d’oeuvre comme End of The Century (Ramones), We Jam Econo (Minutemen), ResErection (Turbonegro) ou Metal : a Headbanger’s journey côtoient les scénarisés Dig et Anvil, le tout est noyé dans le filon promo et rentable du tout venant. La différence entre un rockumentaire et un DVD promo à la Justin Bieber, c’est que le premier assume sa part de pathétique et de lose romantique. Encore un argument qui prouve que « the Thing » est un précurseur du genre.

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