vendredi 11 février 2011

Interview JIM JONES REVUE

Version longue de l'interview publiée dans Abus Dangereux n°116
Photos prises par Louise Dehaye à la Rock School barbey (Bordeaux)




HIGH VOLTAGE
Rock’n’roll baby ! Une réputation forgée à la cire à cheveux, un premier album enregistré à l’ancienne en un claquement de doigts et de la dynamite sur scène. J’aurais des hallucinations, je verrais Doc Emmett Brown à la place de Jim Jones, tant le groupe est une machine à remonter dans le temps.
La guitare hurle hors des baffles, Jim Jones prend une posture de prêcheur 50s et Sam Phillips revient à la vie. Le temps d’un set enfiévré à transformer un indie kid en gonzo du rockabilly, qui nous transporte droit sur la tournée US des pionniers. Jerry Lee Lewis côtoyait Elvis et Little Richard. De la sueur, du sang et des larmes comme disait Churchill. L’interview a la même saveur urgente que leurs concerts. On arrive avec l’image d’un groupe des années 50 old-school et on repart avec des déclarations profondément punk. L’humour anglais certainement.




Vous avez enregistré le premier album en un temps record. Qu’est ce qui a changé quand vous avez enregistré le second ?
Rupert Orton : On adore le premier album. On a réussi à capter l’excitation du groupe sur scène. Ca nous a pris un certain temps pour réaliser que nous avions besoin d’un son live, en fait. Ca semble évident maintenant, mais à l’époque, on a eu une approche traditionnelle du studio. Quand on a obtenu ce son brut du live, on a su que c’était ce qu’on souhaitait. C’était vraiment un son radical. Mais on ne pouvait pas refaire le même album, ce qui était radical à l’origine aurait semblé répétitif.
Jim Jones : Jon Spencer m’a dit «Qu’est ce que vous allez bien pouvoir faire après ça ? »
Rupert Orton : Si tu montes le son, ta sono n’apprécie pas vraiment. Tu peux obtenir une sorte de bruit blanc, ce qui est génial hein, mais ce n’était pas vraiment ce qu’on voulait. On voulait conserver l’excitation et l’énergie. Mais comment est ce qu’on fait ça, en vrai ? Alors, on est allés trouver Jim Sclavunos, qui a produit l’album, et on lui a demandé d’aller vers un son plus défini, pour que tout reste en place quand tu montes le son.
Est-ce qu’on peut voir dans le titre « Burning your house down » la meilleure définition possible pour Jim Jones revue ?
Rupert Orton : C’est ce qu’on essaie de produire en concert. Mais la définition complète du groupe serait plutôt « on brûle la maison du sol au plafond pour construire quelque chose de neuf à la place ». On fait table rase et on repart à zéro.
Pensez-vous que le succès qu’a eu cette musique si directe, avec le premier album, était aussi dû au paysage musical actuel ? On entend pas mal de choses superficielles et pénibles, très marquées années 80.
Rupert Orton : C’était une réaction animale, en fait. Je programmais des concerts, j’ai donc pu voir pas mal de groupes, parmi lesquels se trouvait le groupe de Jim. C’était d’ailleurs un des rares groupes que je ne trouvais pas super chiants à l’époque. On écumait les concerts et on se disait « c’est quoi ces groupes ? Pourquoi il n’y a rien de mieux ? »
Jim Jones : Les gens méritent mieux. Quand ils vont à un concert, ils méritent plus qu’un moment de détente vaguement live. Ils méritent de vivre un moment à part, de se sentir revigorés, faire le plein d’énergie positive pour pouvoir repartir et affronter de plus belle cette putain de vie.
Rupert Orton : Tu viens à un concert de rock’n’roll, tu en repars quand c’est terminé. Tu dois t’être bien marré, t’être senti partie prenante sur le plan émotionnel, tu dois sentir l’excitation t’envahir. Si on peut essayer de se rapprocher de ce genre de choses à nos concerts, c’est réussi. Il y a aussi un élément sexuel. Tu dois repartir en te sentant comme après la nuit de ta vie. Je pense que c’est assez similaire.
Il y a aussi du Stooges dans votre musique. Tout le monde dit que vous faîtes du pur rock’n’roll, mais votre musique a beaucoup de points communs avec le punk.
Jim Jones : Les Stooges ont cette flamme en eux. Ce truc après lequel on court. Comme Little Richard, comme the Birthday Party, AC/DC ou Motörhead.La liste est vraiment longue. Ce sont les groupes qui nous ont inspiré quand on était adolescents. On écoutait ça et on se disait « wow ». Le MC5... Qu’est ce que tu veux rajouter à ça ?




Les gens évoquent souvent un revival quand ils parlent de vos disques, mais ne pensez vous pas plutôt que le groupe est arrivé dans une époque à laquelle il n’appartient pas ?
Rupert Orton : Je ne peux pas penser que nous faisons partie d’un revival de quoique ce soit, vu qu’on n’était pas dans le coin dans les années 50. Comment pourrions-nous faire revivre quelque chose que nous n’avons pas vu vivre ? Ok, il y a des éléments évidents de la musique des années 50 dans ce que nous faisons, mais il y a aussi un paquet d’autres choses. On n’est pas bloqués sur une époque particulière ou sur telle influence. Je comprends pourquoi les gens disent ça, mais ça n’a rien d’un revival. Les paroles de nos chansons parlent de la vie aujourd’hui et pas de la vie d’hier. Je pense même que pas mal de choses dans les années 50 n’étaient pas si cools. Le service militaire obligatoire, le rationnement, le National Front et tous ces gens incroyablement racistes. L’Angleterre avait été défigurée par la guerre et était toujours convalescente. On ne peut pas vraiment idéaliser cette période. Il s’est simplement avéré que ça a été le moment où tous les différents styles de musique se sont mélangés pour créer le rock’n’roll.
Little Richard ou Jerry Lee Lewis?
Rupert Orton : Ils sont tous les deux des symboles. L’un est blanc, l’autre est noir. Voilà pourquoi le rock’n’roll fonctionne. Ces deux mecs ont eu les mêmes influences mais ils sont issus de racines sociales différentes.
Jim Jones : Mais ils ont eu des vies similaires, en même temps. Leurs pères respectifs étaient dans le trafic d’alcool pendant la prohibition. Ils ont tous les deux pris leurs racines dans cette période post-dépression, ont joué de la musique quand tout commençait à prendre forme. Au final, ils choisissent une forme d’expression identique.
Rupert Orton : C’est incroyable, ces mecs, et Chuck Berry aussi, sont encore vivants. Quelques-uns sont morts, mais ce sont des légendes, des pionniers et ils sont encore là. C’est fascinant qu’outre la musique qu’ils jouaient, ils aient eu cette énergie en eux.
C’est bon signe pour vous. Chuck Berry ou Eddie Cochran ?
Rupert Orton : Il est difficile, celui-là. Eddie Cochran était un auteur incroyable, mais on oublie parfois son boulot d’arrangeur et de producteur. J’écoute encore souvent « Summertime Blues ». La production sur ce morceau est un truc de malade. Chuck Berry, lui, est avant tout un sénateur de la guitare. C’était un punk avant l’heure, et en même temps il y a une énorme culture jazz dans ses chansons. Je dirais probablement Chuck Berry parce que je suis guitariste.
Jim Jones : Eddie Cochran.
Jack White ou Jon Spencer ?
Jim Jones : Je vais prendre Jon, tu peux avoir Jack si tu veux.
Rupert Orton : Ca me va. On apprécie vraiment beaucoup Jon, c’est un ami.
Jim Jones : Je l’ai choisi, moi. Je l’aime plus que toi, on dirait.
C’est surprenant, pourquoi as-tu choisi Jack White ?
Rupert Orton : Ah ah, oh non pourquoi moi ? Demande à Jim.
Jon Spencer paraissait être le choix le plus évident.
Rupert Orton : La première fois que j’ai entendu les White Stripes, je me suis dit « il a le truc lui aussi ». Et il a vraiment du talent. Il ne s’est pas contenté de faire un seul bon album. Il en a fait un paquet avec trois groupes différents. La plupart des gens arrivent à un certain point, et ils partent dans un trip mystique ou s’installer sur une île des Caraïbes. Jack continue à créer, lui. Il avait été invité à une émission de radio en Angleterre et le DJ nous adorait. Il a passé notre disque et a dit à Jack : « Ces mecs sont incroyables, tu devrais les faire jouer ». Il a dit ok, et il l’a fait ! Ce n’est pas une chose qui arrive en temps normal. Il nous a fait jouer en première partie de Dead Weather à Londres.
Jim Jones : Selon moi, Jon vient de la même lignée que des gens comme Jerry Lee Lewis ou Elvis avant qu’il ne parte à l’armée. Il a cette flamme. Il était bien vivant et il n’était pas vu comme un écho nostalgique du passé. Sa façon de faire, très punk finalement, a donné à cette musique une réelle crédibilité.
Rupert Orton : Jon Spencer a eu une importance cruciale dans ma vie. Dans les années 90, il a joué avec des mecs comme RL Burnside. Ca a complètement changé ma vision de la musique. Il était le gardien du temple dans ces années là, celui qui a maintenu la flamme.

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