mardi 3 janvier 2012

RED FANG : revenge of the nerds


Des rednecks, de la bière, de l’humour nerd. RED FANG donne l’impression d’un mash-up entre « Sheriff, fais moi peur » et « Wayne’s World ». Sous des aspects primitifs, le groupe est pourtant surprenant. La mini-nébuleuse est complétée par Whitey McConnaughy qui tourne les clips et le roadie Chris Coyle, qui a compris avec le plus grand humour les possibilités offertes par les réseaux sociaux. Sans problème le blog le plus fun de l’industrie rock actuelle.
Je rencontre John Sherman (batterie) et Bryan Giles (voix/guitare) juste après la sortie de leur second LP, « Murder the Mountains ». L’orga du Hellfest les avait étrangement programmé en fin de matinée.

All photos @ Louise Dehaye


Ca fait quoi de jouer à midi ? On dirait une boum à la garderie ?
John Sherman : pour nous, c’est comme jouer à minuit en fait, parce qu’on est venus direct et on n’a pas eu la chance de dormir. On a remballé le show hier soir, on est montés dans le van, on a déballé, on s’est branchés et on a joué direct ici. Pour être honnête, je ne sais même pas quelle heure il peut bien être. En fait, il y avait des tonnes de gens quand on s'est mis à jouer, donc peu importe quelle heure il était. On aurait regardé l’horloge si personne ne s’était pointé.
Pourquoi « Murder the mountains » ? Vous préférez les vallées ?
John : J’adore les montagnes. Je suis désolé de ce titre.
Bryan : Ca vient d’une chanson qu’on avait écrite il y a longtemps. Il n’y a pas vraiment de sens profond, tu peux t’en douter. Ca donne juste l’humeur de l’album. C’était pour faire flipper les gens. On n’est pas des penseurs très performants, tu sais.



Parlez moi de la pochette.
John : C’est Orion Landau, un super gars qui a bossé sur la pochette. Je regardais ce film, Queen of Blood, un film d’horreur sci-fi des années 60 avec Dennis Hopper. Et pendant les crédits du film, il y avait ce style dingue d’artwork abstrait, à la fois flippant et psychédélique.
Bryan : Comme un bad trip à l’acide.
John : Exactement, comme un mauvais trip d’acide. Et j’ai donc envoyé à Orion ce truc en lui demandant un truc dans le même genre. Bon, il a fait un truc complètement différent, mais il a gardé l’esprit. Bizarre, psychédélique et mountain-shit.
Bryan : Je ne sais même pas où il a pu aller chercher un truc pareil, merde.
John : Peu importe de quelle partie de son cerveau ce truc vient, je ne veux jamais aller là-bas.
Bryan : Je m’inquiète pour ce mec.


 
Sur ce disque, vous avez bossé avec des gens qui n’ont pas uniquement bossé sur des sons heavy et qui viennent même du circuit hipster.
Bryan : Tu viens juste de parler de ‘hipster circus’ ?
Je veux dire, tu sais, Pitchfork et tout ça.
Bryan : Ah merde, ‘hipster circuit’. Oh mec, ‘hipster circus’ ça aurait été génial. Oh yeah.
Vous étiez inquiets de la réaction des fans  en choisissant Chris Funk pour produire le disque ?
John : Oh non. C’est lui qui nous a approché. On s’est aperçus qu’il comprenait vraiment la musique heavy et ce qu’on essayait de faire.
Bryan : Je dois avouer que ça m’a un peu rendu nerveux au départ. Il était d’un autre milieu, et quand il a proposé ses services, ça n’avait pas vraiment de sens pour moi. Mais quand on l’a rencontré, il a paru évident que son approche de la musique allait bien au-delà de son image de base. Et dude, je te jure, il shredde. En studio, on essayait des sons différents et il a sorti des solos hallucinants. C’est un guitariste incroyable.
John : C’est un mec cool. Vraiment facile à vivre. C’était agréable de travailler avec lui.
Il y a un son très ‘live’ sur ce disque. C’était pour protester contre pro-tools, auto-tune et tous ces trucs qui tuent les enregistrements actuels ?
Bryan : On a utilisé des bandes.
John : On a enregistré la base des morceaux sur bande ouais. Les voix notamment.
Bryan : Mais on s’est retrouvés à court de pistes. On a utilisé tellement de tranches pour les guitares. Peut-être cinq pour chaque guitare, sans même parler de la basse. On a débordé de la table, et on a du avoir recours au digital pour tout caser. Ce n’est donc pas une revendication contre le truc, on a utilisé les deux. Mais je crois vraiment que le problème avec les enregistrements purement digitaux, c’est qu’il n’y a jamais de fin. Tu peux toujours ajouter un truc supplémentaire. « Oh, j’ai vraiment besoin d’un accordéon là-dessus. » Non mec, t’as pas besoin d’un accordéon. Ce n’est pas parce que tu peux le faire que tu dois le faire. Si tu enlèves ce truc de savoir où est le point final, ça ne peut être que négatif. Tu ne peux que perdre le sentiment d’origine de ta chanson. Ces morceaux sont pensées pour être jouées live, pas pour briller sur disque.
John : C’est vraiment du ‘plug and play’. On est un groupe très simple. Sur ce disque, on a du faire quelques trucs inhabituels, comme des overdubs et des trucs du style. Mais notre exigence a été de garder les compos assez basiques pour qu’on puisse les jouer telles quelles sur scène.
Bryan : Je pense que ces couches d’instrumentation supplémentaire apportent vraiment aux morceaux. Elles ont été gardées au fond du mix – j’y tenais particulièrement. Le principal était de rester un groupe de quatre personnes. On ne va pas virer contemporain, orchestral ou quoi que ce soit. Il faut que ça reste fun à écouter.



La principale différence entre les deux albums semble être le songwriting. Vous avez changé quelque chose ?
John : Non. Certaines chansons du nouvel album ont été écrites avant d’autres chansons qui se trouvaient sur le premier album. Il consistait en fait de deux EPs collés ensemble, plus une chanson supplémentaire : trois enregistrements distincts. Alors que pour celui-là, on a enregistré 17 chansons d’un coup, mixé seulement 14 et sélectionné les 10 qui nous semblaient le mieux coller ensemble. Pour moi, ça sonne de façon beaucoup plus fluide.
Bryan : Il y a aussi que le songwriting est aujourd’hui plus collégial. A l’époque du premier disque, c’était plus une seule personne qui se ramenait avec des parties déjà écrites et le chant définitif. Maintenant, nous avons tous notre mot à dire sur la direction que prend chaque compo. Ca a ralenti tout le processus du songwriting. Je vais te dire, c’est un beau bordel d’écrire un morceau maintenant ah ah. Mais le vrai bon truc, c’est que quand la chanson est terminée, on est TOUS convaincus que c’est du bon matos.
Vous avez l’air de rednecks mais je pense que vous êtes des gros nerds en fait. Le ‘Red Fang’ est un vaisseau dans Star Wars.
Bryan : Nous n’en avions aucune idée.
Dans le clip de ‘Prehistoric Dog’, il y a des références aux jeux de rôles et vous vous foutez bien de la gueule de Gandalf.
Bryan : On se fout bien de la gueule d’un ado qui voudrait ressembler à Gandalf. Si je rencontrais vraiment Gandalf, je chercherais pas la merde. Tu sais, la magie, tout ça.
John : On est des gros nerds ouais.
Bryan : Mais je ne pense pas qu’on ait l’air de rednecks.
John : Comme tu vois, on ne réfléchit pas trop à quoi on a l’air.
Bryan : On devrait certainement y réfléchir davantage.
John : Si on voulait avoir plus de succès, il faudrait probablement se pencher sérieusement là-dessus.
Dans cette vidéo, quand vous êtes dans une voiture, enterrés dans des canettes de bière, vous jouez sur cette image quand même.
Bryan : Si on buvait autant que des vrais rednecks, on serait horriblement malades.




C’est quoi votre truc dans la culture nerd ?
John : On adore jouer au scrabble.
Bryan : On n’est clairement pas des sportifs, ok.
Damn, je m’embrouille toujours parce que ‘nerds’ et ‘geeks’ n’ont pas les mêmes sens en français et en américain.
John : Quelle est la différence ?
Geeks, c’est les binocleux sur leurs ordinateurs. Nerds, c’est tout ce qui est pop culture : Star Wars, Star Trek, tous ces trucs.
Bryan : A l’origine, on appelait ‘geeks’ les mecs qui arrachaient des têtes de poulet avec les dents dans les cirques.
John : On ne fait pas ça nous.
Bryan : Les ‘circus geeks’ faisaient des trucs plutôt morbides pendant les intermèdes entre les numéros.
John : J’aime vraiment la science-fiction. Battlestar Galactica, terrible.
Bryan : Mon film préféré : Blade Runner, mec.
John : J’aime aussi toutes ces conneries d’heroic fantasy.
C’est difficile d’être fun sans tomber dans le comedy band ?
Bryan : Je pense qu’on a un sens de l’humour particulier. Je peux balancer une blague sur cette tournée européenne et vivre un bide intégral.
John : Tes blagues encaissent mal la traduction.
Bryan : Je crois que c’est tout mon sens de l’humour qui vit mal la traduction.
John : On prend notre musique très au sérieux, mais on ne se prend pas nous mêmes très au sérieux. C’est donc plutôt facile de tomber dans l’autodérision. Hey, tout le monde est stupide, on est des nerds, on passe pour des rednecks. Qui s’en tamponne? On est relax. Quand on voit tous ces groupes qui se prennent très au sérieux, ça nous semble demander beaucoup trop d’efforts. On est beaucoup trop feignants pour se prendre au sérieux.
Bryan : Si tu es dans l’autodérision, tu prends de vitesse tous les gars qui veulent se foutre de ta gueule. ‘Hey mec, je l’ai déjà fait et je suis allé bien plus loin que toi. Alors sens toi libre d’essayer de me rabaisser si t’as du temps à perdre.’




A mon sens, vous avez beaucoup en commun avec TAD, le groupe affilié à la scène de Seattle.
John : Tad Doyle a un t-shirt Red Fang.
Bryan : Je l’ai croisé devant une salle où on jouait il y a pas longtemps. J’ai voulu l’inviter mais il a refusé et est parti payer son ticket. Il est ce genre de mec cool. Il tient à soutenir la musique live. Ce mec mériterait pourtant de ne plus payer la moindre entrée de toute sa vie.
C’est une comparaison qui vous semble naturelle ?
John : On vient de Portland. On est de la même région pluvieuse et grisâtre. Un truc propice à la musique heavy.
Bryan : On essaie d’être cools. Comme Tad est cool.
John : Je n’essaie pas d’être cool.
Bryan : Oh mec, t’es vraiment cool.
John : I’m « true » being cool, comme disait Devo (jeu de mot sur ‘through being cool’). Tu vois, un autre groupe nerd vraiment cool, Devo.




Dans le clip pour le nouveau single ‘Wires’, vous recevez un chèque de 5000 $ et le dépensez jusqu’au dernier centime. Quel est le message ? Vous voulez dire à Relapse (le label) que vous n’avez pas dépassé le budget ?
Bryan : Ouais voilà, ‘hey les mecs, on sait respecter un budget, faites nous confiance’.
John : Je pense qu’on ne peut tirer aucun message valable de cette vidéo ah ah. C’était du genre, on est fauchés et on reçoit un gros chèque. On s’est tellement éclatés avec qu’on a oublié de faire une vidéo. C’est le même gars qui a fait les deux vidéos. Un génie. Et un mec vraiment marrant. C’est un pote à nous et ce serait vraiment dur maintenant de faire des vidéos avec quelqu’un d’autre.





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